EVENT - La salle de réception

Le bruit du tintement des verres qui s'entrechoquaient légèrement, la rumeur des conversations dans une salle si grande qu'elle rendait le moindre sujet aussi futile que les babillages d'un bambin. Il y avait quelque chose de presque irréel à se tenir là, une invention, une farce de l'esprit ou bien une intervention divine. Pourtant, le capitaine Norrington se dressait là, non loin du buffet, un verre à vin dans la main droite qu'il tenait avec une certaine négligence. Le liquide semblait faire des bulles. Peut-être du champagne, un mousseux quelconque ou encore un vin blanc de Californie. Il n'avait jamais vraiment su apprécier ce genre d'alcool, après tout il n'était pas français, il n'avait pas cette culture. Jetant un regard peu enthousiaste à sa boisson, il se retint de pousser un soupire. Un irish coffee aurait bien mieux fait l'affaire, mais c'était peut-être un peu trop gourmand et déraisonnable pour l'occasion de ce soir. A Rome, fait comme les romains.

Charles prit une gorgée de son verre, le regard se baladant sur les convives, cette vieille habitude qui ne le quittait pas... Instinctivement il surveillait l'endroit alors même qu'il n'était pas de service, il n'était qu'un invité parmi tant d'autres. Il fallait néanmoins lui reconnaître une certaine élégance de par sa tenue et sa posture tout en droiture. Army, sweet army, tu ne pouvais pas quitter ce petit soldat où qu'il aille, n'est-ce pas ? Alors qu'il se retournait pour prendre un amuse-gueule sur un plateau du buffet, il se cogna contre quelqu'un qu'il n'avait pas vu.

- Excusez moi, dit-il par réflexe alors même qu'il n'avait pas encore vu le visage de la personne qu'il avait heurté en douceur.

La jeune femme qu'il avait bousculé se ressaisit très vite, comme un chat qui serait retombé sur ses pattes... Anecdote qui le fascinait toujours autant avec les années d'ailleurs. Enfin. Apparemment elle connaissait le Capitaine, ce qui eut pour effet de lui faire arquer un sourcil tout en esquissa un très léger sourire aux coins des lèvres. Elle enchaîna bien rapidement pour se présenter et agiter l'appareil photo qu'elle avait dans les mains. L'animal ne s'étonna donc pas vraiment du temps de réactivité très rapide d'une lointaine parente de la famille des guépards sans l'ombre d'un doute. Et quand bien même les félins étaient des créature étonnantes, il fallait s'en méfier. A dire vrai, n'importe quel agent de l'ordre devait se méfier des personnes avec un objectif et disant travailler pour un journal, même celui de Charney. Surtout celui de Charney. Cependant, notre homme restait parfaitement courtois et n'exprimait rien d'autre que le plaisir de cette rencontre impromptue.

Quant au fait d'être pris en photo. Il n'en savait trop rien. Le militaire qui était en lui intimait l'ordre de rester à sa place. Mais d'un autre côté il était capitaine de police, il avait une image à travailler et le gala était une des très nombreuses occasions de le faire.

- Avec grand plaisir, dit-il, dites moi ce qui vous arrange le plus pour me tirer le portrait, tant qu'il ne s'agit pas de me mettre des petits fours dans le nez.

Ses enfants auraient très certainement adoré voir ça à la une du journal local. Mais pour l'occasion, il fallait se garder de faire ce genre de pitrerie. Tout au plus il allait pouvoir tester l'humour de son interlocutrice de ce soir.

L'esquisse d'un léger sourire restait peint sur ses lèvres. Quelque chose d'assez énigmatique pour se demander s'il était rieur ou bien s'il avait des idées bien plus obscures en tête. Sans doute ne s'en rendait-il même pas compte. Néanmoins, il n'était pas certain de son humour valait la peine qu'on rit autant. habituellement il arrivait plutôt à arracher des rires complices ou des yeux au ciel. Intéressant. Il la laissa continuer de bavasser, il avait envie de voir comment elle allait achever de le convaincre de prendre quelques clichés. Un portrait officiel, rien que ça ?

- Si j'avais su, j'aurais mis mon uniforme, dit-il, je dois ressembler à un homme politique ce soir.

Police est politique ne faisait jamais vraiment bon ménage. La politique était plutôt une ennemie de la loi et de l'ordre, c'était bien connu. Il n'y avait qu'à voir le climat géopolitique à l'heure actuelle. Enfin, là n'était pas le propos.  Il se mit légèrement de trois quart tout en se tenant droit, toujours son verre à la main auquel il n'avait plus porté les lèvres depuis qu'il avait amorcer la conversation avec la photographe. Il gardait ce même sourire indéchiffrable.

- Quand vous voulez, dit-il.

Pas qu'il appréciait vraiment se faire tirer le portrait, en tant qu'ancien chez les rangers, il avait plutôt tendance à fuir les objectifs. Question de protection de la vie privée. Malheureusement, être Capitaine dans une unité de police signifiait également qu'il fallait paraître. Il était le visage des forces de l'ordre du secteur...