(fb) my life is a mess ► alexeï

Et si on remontait quelques années en arrière ? Un peu plus de quatre ans, pour être précise. Où elle s'appelait encore Lila Harper. Où elle était encore quelqu'un. Pas en fuite. Et qu'elle n'était pas obligée de cacher qui elle est.

Lila est dans un état déplorable. Sa mère est morte il y a de cela quelques mois. Quatre. Elle l'a enterrée. Seule. Et encore, elle n'a pas pu lui offrir le meilleur enterrement au monde. Elle a été obligée de puiser dans les économies. Les maigres économies de sa mère. Et maintenant, Lila se retrouve seule. Sans personne. A peine dix-neuf ans, et la voilà devant se débrouiller par ses propres moyens. Elle qui rêvait d'un avenir joyeux. Difficile, elle savait que ça serait loin d'être simple. Mais cette mort. Cette overdose, ça lui a pris son avenir. Le peu d'économie. Ses rêves. Ses espoirs. Elle est au fond du trou. Elle n'a plus rien. Ou pas grand chose. Elle ... elle est à terre. Elle s'est faite expulser de l'appartement où elle vit. Enfin, vivait avec sa mère. C'est normal. Lila ne peut plus payer les factures. Elle a bien essayé de chercher un travail. Mais qui embauche une gamine même pas majeure ? Une gamine qui ne sait pas faire grand chose ? Une gamine qui n'a que son joli minois à offrir ? Elle a songé. Pendant un moment. Faire ce job détestable. Celui de sa mère. Prostituée. Ouvrir ses cuisses. Mais si elle fait ça, elle ne vaut pas mieux qu'elle. Alors, elle squatte. Un peu. A droite. A gauche. Elle a un toit sur la tête. Enfin, c'est pas un vrai toit. C'est un taudis. Et les autres sont pas forcément agréables avec elle. C'est pour ça que ce soir, elle n'est pas rentrée. Elle est là. Dans le parc. Il commence à faire froid. Elle n'a que ce petit blouson sur elle. Cette veste qui la protège à peine. Elle est au bout. Lila ne sait plus quoi faire. Sa mère a signé sa perte. Et elle ne voit pas comment elle peut s'en sortir. Est-ce qu'elle aussi, elle va mourir ? Est-ce que c'est ces derniers instants ? Elle ne voit pas vraiment le bout du tunnel. "Allez Lila. T'es intelligente. Même si maman était pas toujours là, t'as toujours réussi à t'en sortir." Elle a un hochement de la tête. Elle soupire. Ferme les yeux momentanément. "Il faut que tu trouves une solution." Plus facile à dire qu'à faire d'ailleurs. Elle a envie de pleurer. Mais elle ne peut pas se laisser abattre. Et puis, si elle se met à pleurer, avec le froid, ça risque de lui apporter quelques soucis. Ca fait mal. Ca fait vraiment mal. Elle passe une main dans ses cheveux. Elle va devoir se résigner. Elle le sait. Se résigner. Faire ... faire ce qu'elle ne veut pas faire. Faire ce qu'il faut pour survivre. Elle va devoir aller le voir. L'ancien patron de sa mère. Nombre de fois où elle l'a croisé. Nombre de fois où il a cherché à l'attirer dans ses filets pour en faire une de ses filles, elle aussi. Lila a toujours réussi à lui échapper. A rester loin de lui. Mais là, elle n'a plus vraiment le choix. Elle soupire. Rapproche ses genoux de son torse. Et pose sa tête délicatement contre ses genoux. Demain. Elle va passer la nuit dans la rue. Elle va avoir froid. Elle aura une tête horrible au petit matin. Mais elle ne peut pas faire ça maintenant. Non. Elle va attendre. Même si elle se doute qu'attendre ne changera pas grand chose.

Lila pose sa tête contre ses genoux. Ce n'est pas comme ça qu'elle va véritablement se réchauffer. Mais ça peut aider quand même un peu. Elle soupire. Elle ne sait pas combien de temps elle peut vivre comme ça. Squatter le canapé de potes, c'est bien de temps à autre. Mais là, elle a l'impression d'abuser. Et son squat ... Avec les autres sans abris ... Ca commence à devenir dangereux pour elle. Et faut pas oublier, également, qu'il y a les dealeurs qui passent dans le coin. Ou les proxénètes. Ils l'ont repérée. Peut-être qu'elle doit aller dans un foyer de sans abri. Elle cherche. Elle cherche des solutions. Elle ne veut pas encore abandonner. Elle ne veut pas se résigner. Elle ne veut pas faire comme sa mère. Et écarter les cuisses pour de l'argent. Elle a une profonde envie d'abandonner. Mais elle s'est toujours battue. En fait, elle est perdue. Et elle ne sait plus vraiment ce qu'elle doit faire. Non. C'est la première fois qu'elle est dans cette situation. Qu'elle a cette terrible sensation. Avant, quand elle avait un souci, elle pouvait toujours aller voir sa mère. Même si celle-ci n'était pas forcément très disponible parce que trop occupée à passer du bon temps avec des hommes afin de payer des factures. Là, elle est seule. Pas de famille. Des amis mais qui ne peuvent pas forcément grand chose pour elle. Lila passe une main dans ses cheveux. tellement prise par ses pensées qu'elle n'a pas entendu qu'on s'approche d'elle. Et elle ne peut retenir un léger sursaut de peur, mais également de surprise, quand elle entend une voix. Il est proche d'elle. A quelques centimètres seulement. Elle sent toute sa prestance rien qu'en posant son regard sur lui. Il dégage un petit je ne sais quoi qui l'hypnotise presque. Du moins, pendant quelques secondes. Elle doit retrouver ses esprits. Elle cligne des yeux. Rapidement. Peut-être qu'elle rêve. Peut-être qu'il n'est pas vraiment là. Et que c'est son esprit torturé et fatigué qui lui joue un tour. Mais non. L'homme est bel et bien présent. Elle sent les effluves de son parfum. De son odeur. Non, ce n'est pas un rêve. Il lui tend son veston tandis qu'il lui fait remarquer qu'elle semble frigorifiée. Elle a un léger hochement de la tête. "Merci." Elle renifle un peu. Elle bouge ses bras afin de récupérer le vêtement qu'il est en train de lui tendre. Elle le passe sur ses épaules. Et finit par l'enfiler. C'est grand. Mais c'est chaud. C'est très chaud. Lila ne va pas dire que tout de suite, ou presque, elle ressent cette chaleur. Mais ça lui fait du bien. Ca lui fait un bien fou. Oui. Il sourit. Elle, dernièrement, elle a dû mal à sourire. Beaucoup de mal même. La situation ne se prête pas vraiment aux sourires depuis la mort de sa mère. Mais cet acte de charité ... c'est ... Ca fait plaisir, c'est certain. Pour autant, elle a dû mal à comprendre. Pourquoi ? Pour la simple et bonne raison que plusieurs personnes sont déjà passées dans le parc. Devant elle. Et aucun ... Aucun n'a daigné s'arrêter. Aucun n'a pris le temps de lui parler. Et pourtant, cet homme a un acte désintéressé envers elle. A moins qu'il ait besoin de quelque chose. Elle n'en sait rien. Et à dire vrai, elle ne pense pas vraiment à ça. Du tout. Elle serre le veston quelque peu. Comme pour se prouver que c'est bien réel. C'est comme pour la rassurer. Une question de sa part. Ou plutôt, une affirmation. "C'est pas vraiment simple, effectivement." Elle hoche légèrement la tête. Son visage, cette douceur. Elle a envie de faire confiance. L'avenir lui prouvera qu'elle s'est carrément plantée à ce propos. Mais elle ne peut pas savoir à cet instant qui s'agit du grand méchant loup, prête à la dévorer. Elle n'a aucune raison. Aucune raison de douter. "J'ai comme l'impression ... d'avoir heurté un iceberg... Et d'être en train de me noyer, sans parvenir à remonter à la surface." C'est ce qu'elle ressent en ce moment. "Peut-être que j'exagère. Et que ça va finir ... Par aller mieux ..." Mais elle a des doutes. Elle essaie ... elle veut trouver une solution pour s'en sortir. Ca peut prendre du temps. "Merci ..." répète-t-elle. "Pour la veste ... Vous êtes le premier ... à vous arrêter."

Ca la touche. Un parfait inconnu qui se rapproche d'elle. Qui lui offre son veston pour l'aider contre ce froid mordant. C'est ... Oui, c'est appréciable. C'est vraiment appréciable. Et pas qu'un peu. Elle ne sait pas pourquoi il fait preuve de charité à son égard. Lila ne sait pas s'il a quelque chose derrière la tête ou bien si ... si c'est juste un acte de charité, comme ça. En tout cas, oui, ça la touche. Fortement. Alors, bien sûr, quand il lui offre ce veston, elle l'accepte. Volontiers. Elle ressent aussitôt toute cette chaleur qui s'en émane. Après tout, lui même le portait quelques minutes plus tôt. Ca la réchauffe. Cette humanité, le fait qu'il se soit arrêté, oui, ça lui réchauffe le coeur. C'est certain. Loin de se douter des noirs désirs de cet homme et qu'elle va finir par devenir sa petite poupée entre ses mains. Quoi qu'il en soit, il semble intéressé. Ou fait semblant, elle n'en sait rien. Mais il n'est pas reparti. Pas encore. Il s'est même installé à ses côtés. C'est touchant. Il aurait pu faire sa bonne action et repartir. Mais non. La vie de Lila est compliquée en ce moment. Elle ne va pas rentrer dans les détails parce qu'elle doute qu'il souhaite des détails. mais sait-on jamais. Il finit par lui avouer qu'il a été dans sa situation. Elle redresse la tête. Le regarde. Étonnée. Très étonnée. "Vous aussi ?" Et vu la prestance qu'il a, c'est très... étonnant. Vraiment. Elle ne va pas mettre sa parole en doute. Elle a aucune raison de ne pas le croire. Mais il est clair que ... Et bien, il est clair que c'est étonnant. En même temps, ça ne se lit pas vraiment sur un visage le fait qu'on est dans la galère. Ou qu'on a pu l'être. Lui, s'il l'a été, avec les fringues qu'il porte, Lila se doute que c'est loin derrière lui. Vraiment loin. Un lointain souvenir. Ce qu'elle aimerait être à sa place ! Et se dire que toutes ses emmerdes sont loin derrière elle ! Il poursuit. "Il est chiant cet iceberg." Elle hoche quelque peu la tête. Tout le monde ... Tout le monde doit rencontrer cet iceberg à un moment ou à un autre. Et c'est pas évident pour s'en sortir. Oh que non. S'il a pu le faire, c'est qu'on lui a tendu la main. Et il lui avoue, sans détour, que sans cela, il n'aurait pas survécu. C'est carrément ça en fait. Lila est exactement dans cette situation. Elle ne sait pas quoi faire pour s'en sortir. Elle n'a pas envie de ... Elle n'a pas envie de couler. De disparaître. Elle peut choisir l'option de facilité. Voir le mac de sa mère. Lui demander si elle peut faire le plus vieux boulot au monde. Même si elle a une sainte horreur de l'idée et qu'elle préfèrerait, sans doute, se couper une main. Mais bon. Quand on n'a pas le choix, on n'a pas le choix. Et là, elle a l'impression de ne pas l'avoir. Elle a l'impression d'être piégée dans une boucle sans fin. Voir le bout du tunnel, elle a l'impression que ça ne va jamais se faire. Elle peut se tromper. Elle doit garder espoir. Mais c'est plus facile à dire qu'à faire. Oui. L'homme tourne la tête légèrement vers elle. Se présente. Ou du moins, lui donne son prénom. "Lila." dit-elle avec un léger sourire. Ce prénom qui fut sien durant tellement d'années. Et qu'elle devra abandonner après quatre ans entre les mains du diable. Mais ça, elle ne le sait pas encore. "Vous ... Vous avez mis du temps ... à vous en sortir après avoir coulé ?" Histoire de savoir un peu si elle se retrouve dans la panade pour une longue durée. Elle demande, même si la situation n'est pas forcément la même et qu'il a dû vivre autre chose. Mais comme il est passé par ça, peut-être qu'il pourra lui donner des trucs. "Des conseils à me donner ?"

A croire que la misère du monde ne se lit pas uniquement sur un visage. Non. Difficile de croire que lui-même a pu se retrouver dans une situation ... impensable. Non. Il est bien habillé. Il semble être bien dans sa peau. Oui. Peut-être qu'elle aussi, un jour, ça ne se verra plus. Enfin, si Lila arrive à s'en sortir. Pour le moment, le bout du tunnel, elle ne le voit pas. Elle ne sait pas si elle va arriver à s'en sortir. Et surtout, comment elle va pouvoir le faire. Lila souffle un peu. Elle est tellement à bout. Elle a envie de lâcher. Elle ne sait pas comment ... comment faire. Elle ferme les yeux. Une fraction de seconde. Elle a un léger sourire à la remarque qu'il vient de faire. Et il se présente. Elle en fait de même. Elle ne lui a pas donné son nom de famille. Ca ne sert pas à grand chose. Au moins, il peut mettre un prénom sur son visage. "Merci." Elle le regarde. "C'est bien l'une des seules choses de bien que ma mère a pu faire pour moi ... me choisir un prénom pas trop pourri." Parce que connaissant l'énergumène, oui, elle aurait pu lui choisir un autre prénom. Quelque chose de difficile à porter. Au moins, non, ça va. Elle aime ce prénom. Il est mignon. Lila le questionne. Cherche à savoir si ... si sa galère va durer longtemps. Ou non. Après, elle se doute que la situation entre la sienne et celle d'Alexeï n'est pas la même. Et que les conseils qu'il peut lui donner ne pourront peut-être pas s'appliquer. Elle va voir. Alexeï lui conseil de se battre. Encore, et toujours. Baisser les bras, c'est pas quelque chose de bien. Elle hausse les épaules. "Mais y'a des jours où on n'a plus vraiment envie de se battre." Il y a des jours où elle est à bout. Et aujourd'hui, c'est un jour sans. Justement. Aujourd'hui, c'est un jour où elle a envie de tout envoyer sur les roses. Où elle a envie de se laisser couler. Totalement. Et de se noyer. Après, elle va reprendre un peu confiance. Après tout, Alexeï lui a offert un peu de chaleur. Un peu de réconfort. Par sa présence. Par son dialogue. Par leur conversation. Et oui, ça lui fait du bien. Beaucoup de bien. Ca lui montre que tout le monde ne se fiche pas totalement de la misère humaine. Et que certaines personnes ont encore le coeur sur la main. Loin de se douter qu'il ne fait pas ça par charité. Mais parce qu'il a quelque chose derrière la tête. Le diable ... Ca ne se lit pas sur son visage. Il semble avenant. Gentil. Un ange tombé du ciel. Tout simplement. Il évoque sa propre histoire. Débarqué dans un pays qu'il ne connaissait pas forcément. Avec quelques sous en poche. Une mauvaise histoire. Il s'est fait avoir. Il était naïf. Il a dû apprendre de cette histoire. En tout cas, c'est ce que pense Lila. C'est pas du tout une histoire de confiance pour sa part. C'est la mort d'un parent qui l'a foutu dans la merde. Elle passe une main dans ses cheveux. Elle a arrêté de grelotter grâce au veston du quadragénaire. Ca fait du bien. Vraiment du bien. "J'me suis pas fait plumer." Elle veut lui préciser qu'effectivement, c'est pas ... c'est pas comme lui. Elle secoue la tête. "Ma mère est morte il y a quelques mois. Et comme j'ai pas de famille ... J'me retrouve sans rien." C'est moche. Elle aurait son père, elle saurait qui il est, ouais, cool. Mais c'est pas le cas. "Et squatter chez les amis, c'est pas ... ça va un moment. Mais j'peux pas le faire tout le temps." Elle n'aime pas. Elle n'aime pas ça du tout d'ailleurs. Elle veut pouvoir se débrouiller toute seule. Elle veut pouvoir faire ce qu'elle aime. Elle veut pouvoir s'acheter les choses qu'elle aime. Aller à l'université. Là, elle doit se trouver des boulots. Un toit. Même si c'est un toit miteux. Elle a tellement de choses à faire. Elle dort pas assez. Elle a une tête de déterrée. Et passer des entretiens dans cette situation, ça ne l'aide pas. Parce qu'elle n'est pas nickel quand elle se présente à un patron. En fait, c'est un cercle vicieux. Elle est paumée. Vraiment. Elle ne voit pas comment elle va pouvoir s'en sortir. Alexeï lui demande si elle a des passions. Un métier qu'elle aimerait faire. "Je devais ... commencer des études de médecine." Elle penche la tête sur le côté. "J'me serais bien vue travailler au service des urgences. Mais j'pense pas que ça soit pour tout de suite." C'est un rêve lointain. Un rêve qu'elle ne va peut-être pas pouvoir toucher. Un rêve qui n'arrivera pas. Elle désespère. Un peu. Beaucoup même. Mais elle n'a pas le choix. Non. "J'aimais bien peindre aussi. De temps en temps. Mais j'peux plus vraiment le faire." Elle ne peut plus rien faire. Non. Rien de tout ça. Lila pose son coude contre son genou. Et dépose son menton dans le creux de sa main. Tout ça, ça lui échappe. Et elle n'aime pas ça.

Est-ce qu'elle s'en serait mieux sortie sans sa mère ? Puisqu'elle ne sait pas où est son père ? Lila n'en sait rien. Peut-être que ... oui, sans doute que sa vie serait différente. Elle aurait été soit en orphelinat. Soit elle aurait pu avoir la chance d'être adoptée par une famille aimante. La première option, oui, nul doute que les choses auraient été pareil. Mais bon. "On ne choisit pas sa famille." dit-elle dans un léger soupir. Mais il est vrai que si son père faisait partie du décor, ça serait, sans doute, plus simple et plus facile pour elle. Malheureusement, elle n'a pas cette chance. Malheureusement, elle ne sait pas qui il est. Et peut-être qu'elle ne le saura jamais puisque sa mère a emporté le secret dans sa tombe. C'est dur. C'est vraiment dur. Mais elle n'y peut pas grand chose. "Et c'est bien dommage." Mais au moins, elle peut choisir ses amis. Même si en ce moment, elle préfère rester loin d'eux parce qu'elle continue de couler et qu'elle n'a pas forcément envie de les entraîner dans cette chute infernale. Lila lui avoue qu'elle a envie de baiser les bras. Certains jours. Et aujourd'hui, ce soir là, oui, elle a envie de se laisser couler. Totalement. De se laisser entraîner dans ce fond, ce gouffre sans fin. Alexeï lui conseille de ne pas le faire. Il lui dit qu'elle doit se battre. Encore plus. Elle sait qu'il est passé par là. Du moins, s'il lui a dit la vérité, et elle n'a aucune raison d'en douter. Donc, elle se doute que ... Elle se doute qu'il sait ce qu'il dit. Que ce ne sont pas des paroles en l'air. Est-ce que ça lui donne espoir en l'avenir ? Pas vraiment. Ca a du mal à rentrer dans la tête. Sans doute parce qu'elle est fatiguée. Et qu'elle ne voit pas vraiment comment s'en sortir. La vie a toujours été merdique. Elle l'est un peu plus ... Elle l'est un peu plus depuis que ... depuis que sa mère est morte.

Lila lui parle ... de comment elle en est arrivée là. Le fait qu'elle ait perdu sa mère et qu'elle ne sait pas vraiment où est son père. Elle ne sait qui il est. Elle n'a personne ... sur qui elle peut se reposer. Personne d'adulte en tout cas. Elle peut avoir ses amis. Mais c'est pas pareil. Ils n'ont pas le même recul. Du tout. Ses amis, d'ailleurs, elle ne peut pas aller les voir tout le temps. "Non ... c'est pas la fierté." Pas que. Elle secoue légèrement la tête. "Ils ont ... j'ai l'impression de les embêter. Tout le temps." Ou presque. "Et j'ai pas forcément envie de les ennuyer. Ou bien de leur pourrir la vie." Elle ne désire aucunement les empoisonner. Et c'est l'impression qu'elle a. "Ils veulent m'aider. Mais j'peux pas désespéremment m'accrocher à leur canapé." C'est pour ça qu'elle avait le squat. Qu'elle a préféré quitter parce que ça commençait à devenir dangereux. Ouais. C'est un cercle vicieux. Elle ne voit pas réellement comment elle va réussir à garder la tête hors de l'eau. Le boulot ? Le futur boulot qu'elle aurait aimé ? Un rêve lointain maintenant. Il reste proche. Mais il n'est plus aussi proche. Elle tourne la tête en direction d'Alexeï quand il commence à lui dire qu'elle a juste besoin d'un coup de main. Coup de main qu'il semble ... Et bien, qu'il semble vouloir lui donner. Il lui répète que lui-même a été aidé par le passé. Et que sans cette aide, il ne serait pas là. Et il est prêt ... Il est prêt à aider. Il lui parle d'un appartement. Dans le district un. Un appartement qu'il n'utilise pas. Il semble vouloir lui prêter les clés. Pour qu'elle puisse se retourner. Charité gratuite ? Ca a l'air d'être le cas. Elle est prête à lui répondre quand il ajoute que lorsqu'elle trouveras un boulot, il lui louera l'appartement. Lila a un léger sourire quand il parle de la poussière. "A ce point ?" Elle n'a jamais été une fée du logis. Même si elle aidait beaucoup à l'appartement. Et qu'elle évitait qu'il y ait de la poussière partout. La blonde se met à réfléchir. Que doit-elle faire ? Accepter de l'aide d'un visage qui lui semble amical mais qui est toutefois un parfait inconnu ? Ou bien aller voir ses amis, ceux sur qui elle a toujours pu compter mais qu'elle refuse leur aide pour éviter de les traîner au fond ? Lila est partagée. Vraiment. Elle ne sait pas quoi faire. Elle a surtout peur que ça soit trop beau pour être vrai. "J'suis pas ... en train de rêver ? Et vous êtes vraiment en train de me proposer votre aide ?" Parce qu'elle a dû mal ... A dû mal à croire que c'est réel. et qu'il n'est pas en train de se foutre de sa gueule.

Lila ne peut pas ... Ou plutôt, elle ne veut pas trop impliquer ses amis. Ils ont leurs propres soucis. Et elle ne veut pas les empoisonner avec ça. Elle ne veut pas qu'ils restent cloitrés chez eux parce qu'elle est là. Elle est peut-être ... stupide. Ou très fière. Seulement, elle ne peut pas les embêter tout le temps. Même si elle a bien apprécié pouvoir aller chez eux quand c'était pas génial. Elle ne veut juste pas faire ça trop souvent. L'hiver arrive, elle sait qu'elle ne va pas pouvoir rester indéfiniment dehors. Elle sait qu'elle va devoir trouver une idée de substitution. Plus facile à dire qu'à faire. Ou alors, se trouver un autre squat. Un autre endroit où ... Et bien, où elle pourra être tranquille. Où elle ne risquera pas qu'on l'embête. Où elle ne risquera pas d'être agressée ou des choses dans le genre. Alexeï finit par lui dire que ... que les rues de Charney ne sont pas sécurisées. "Je sais bien." Elle a un hochement de la tête. "Il y a certains quartiers qui sont ... qui sont carrément craignos." Elle le sait. Quand sa mère était encore vivante, elle vivait déjà dans un quartier qui n'était pas génial. Et maintenant qu'elle n'a plus de toit sur la tête, la situation ne s'est guère arrangée. Et ça lui pend au nez. Enfin, disons qu'elle a toujours cette épée de damoclès sur la tête. Peur d'être agressée au moindre coin de rue. Peur qu'on ne cherche à lui piquer le peut de choses qu'il lui reste. Même si elle n'a pas grand chose. Oh que non. Elle souffle quelque peu. Alexeï lui répète qu'elle doit compter sur ses amis. Qu'elle ne doit pas hésiter à aller les voir. Et qu'ils préfèrent, sans doute, qu'elle squatte leur canapé à la place d'être à la rue. Elle a un léger sourire. "Quand on sera sous la neige, ou que le froid sera encore plus mordant, oui, j'serais contente d'aller les voir." Pour le moment, elle ne veut pas trop en faire. Non.

Lila est surprise d'entendre qu'il a un appartement. Un appartement qu'il a acheté mais dont il ne se sert pas. Un appartement qui est plein de poussière, selon ses dires. Alors, oui, elle a dû mal à le croire. Enfin, elle le conçoit. Mais pourquoi diable s'encombre-t-il d'un appartement qui ne lui sert à rien ? C'est étonnant. Très étonnant. "Il n'y a que les imbéciles ou ceux qui ne font rien qui ne font pas d'erreur." Elle secoue la tête. Comme il le dit, revendre l'appartement, ça serait sans doute plus simple. Mais peut-être qu'il attend une opportunité. Une grosse opportunité. De faire la meilleure plus-value pour lui. Quoi qu'il en soit, il lui propose l'appartement. Le temps qu'elle se retourne. Et une fois qu'elle s'en sera sortie, et qu'elle pourra payer un loyer, alors, il la taxera à ce moment là. Rêve-t-elle ? La limite est légère entre réalité et rêve. Mais là ... Là, apparemment, ce n'est pas une proposition en l'air. Là, il est prêt à l'aider. A lui tendre la main. A faire en sorte que ... Et bien, qu'elle puisse s'en sortir. Ca la touche. Vraiment. Elle avale sa salive. Elle réfléchit. Doit-elle accepter ? Doit-elle refuser ? Elle se pince légèrement les lèvres. Elle le regarde. Ca lui ferait pas de mal. Au moins pour quelques jours. Le temps qu'elle décide réellement de ce qu'elle veut faire. Et comment elle veut le faire. Est-elle folle de vouloir accepter une proposition d'un inconnu ? Peut-être que c'est comme ça qu'elle va s'en sortir. En acceptant de l'aide. De l'aide d'un inconnu. En faisant confiance. Une confiance mal placée, bien malheureusement pour elle. Parce qu'elle s'en mordra les doigts. Mais pour le moment, elle peut pas le savoir. "D'accord." Elle a un hochement de la tête. Elle ne peut pas refuser de l'aide éternellement. Elle ne peut pas lui dire merde alors que ... Alors qu'il lui offre une porte de sortie. Même si c'est pour seulement quelques temps. "Le temps ... le temps de me retourner, au moins." Parce qu'elle n'a pas envie non plus d'abuser ou bien de squatter chez lui éternellement, même si elle paie un loyer.

Elle penche la tête sur le côté. Elle le sait que c'est le quartier le plus malfamé. Elle sait que c'est le quartier où elle risque de se faire agresser au coin de la ruelle. Ou bien pire encore. Même dans le squat où elle était, c'est pas le meilleur endroit. Seulement, elle a pas envie de se faire embarquer par les flics. Elle sait que si elle est dans ce quartier, les flics viendront pas lui chercher des noises. Elle sait qu'elle sera pas trop emmerdée du côté de la loi. Même s'ils sont là pour la protéger. Si elle squatte un banc dans un quartier guindé, ouais, tout de suite, ça va attirer l'attention. Enfin, peut-être que c'est ce qu'elle doit faire. Squatter dans un joli quartier. Un quartier chouette. Au moins, les flics l'embarqueront. Lui feront rencontrer une assistante sociale. Et peut-être que ça sera le début de sa remontée vers le plafond et qu'elle arrêtera de se noyer. C'est possible. C'est fortement possible. Elle ne répond rien à cela. De toute manière, que peut-elle répondre de plus ? Tout a été dit, en quelque sorte. Elle sait que c'est pas l'endroit idéal. Elle sait qu'elle peut pas continuer comme ça. Surtout quand le froid sera mordant et qu'elle se gêlera les miches sur place. "Il y a des jours où je le supporte plus facilement que d'autres." Elle a un hochement de la tête. Est-ce que ... Est-ce qu'elle essaie de le convaincre ? Ou bien même de se convaincre ? Peut-être un peu des deux. Difficile de dire. Quoi qu'il en soit, oui, c'est pas top. Du tout. Elle reprend un peu espoir quand Alexeï lui parle de cet appartement. Et du fait que ... Et bien, qu'il peut lui prêter. Le temps qu'elle se retourne. Le temps que ça aille mieux. Lila réfléchit. Doit-elle accepter cette main salutaire qui tente de la relever et de l'aider au mieux ? Ou bien doit-elle l'envoyer sur les roses ? Elle fait mine de réfléchir. Encore quelques secondes. Elle peut pas rester dehors. Elle se les gèle. Elle ne sait pas si ... Et bien, elle ne sait pas pendant encore combien de temps elle peut vivre comme ça. Alors, oui, elle accepte. Mais tient à lui préciser qu'elle ne souhaite pas non plus rester indéfiniment. Parce qu'elle aurait l'impression d'abuser. Beaucoup. Et que ce n'est pas son genre. Du moins, elle ne veut pas être comme ça. Une profiteuse. Qui ne fait rien. Ou presque. Une personne qui vit au crochet des autres. Avec un toi sur la tête, ça va lui permettre de retrouver ses esprits. Et de se trouver un job. C'est par là qu'elle va commencer, d'ailleurs. Un job. Après, elle verra. Alexeï tient à lui préciser qu'elle peut rester autant qu'elle le veut. Il ne va pas lui mettre une pression. "Merci. C'est gentil." Loin de se douter que le mot gentillesse ne s'applique pas au russe. Et qu'il a un visage ... un visage sinistre. Mais ça, c'est autre chose. Alexeï se lève. Il finit par tendre la main en direction de Lila. Il lui propose de lui faire visiter. Maintenant ? Elle est surprise. Beaucoup. Et il propose, également, d'aller manger quelque chose, également. Une pizza. Son estomac grogne un peu à l'entente de nourriture. Qu'on se le dise, oui, elle a faim. Ca, c'est une évidence. "On peut faire ça, oui." Elle hoche la tête et regarde Alexeï. Elle finit par lui prendre la main que lui tend le russe afin de se redresser. Elle s'époussette légèrement tandis qu'il lui parle de son chauffeur. Et du fait que ce dernier n'est pas loin. Elle hoche la tête. "D'accord. Je vous suis." Si elle savait ... Si elle savait dans quoi elle s'embarque ... Elle va s'en mordre les doigts.

Le piège s'est refermée sur la douce et naïve Lila. Elle vient de se jeter dans la gueule du loup et elle n'en a pas conscience. Elle vient de faire confiance au diable et elle ne sait pas qu'elle va finir par le regretter. En même temps, à qui la faute ? Sa mère a toujours été facilement vers les autres. De part son métier de prostituée. Elle n'a pas appris à sa fille les valeurs. Elle ne lui a pas dit qu'elle doit faire attention. Que le monde est dangereux. Et cette erreur ... oui, elle va la payer chère, c'est certain. Mais pour l'heure, rien ne lui montre qu'elle vient de faire une bêtise. Rien ne lui prouve qu'elle ne doit pas faire confiance à Alexeï. Alors, elle se saisit de cette main tendue. De cette aide qu'il accepte de lui offrir. Il a piégé sa proie. Elle est à sa merci. Gare au jour où elle découvrira son vrai visage. Elle le suit. Aveuglément. Même si elle est surprise qu'il cherche à lui faire visiter dès ce soir. Apparemment ... Apparemment, il ne doit pas avoir de choses à faire, dans l'immédiat. Non. Il prétexte qu'il ne souhaite pas la laisser passer la nuit dehors. Elle hoche légèrement de la tête. Mais ne dit rien de plus. Que pourrait-elle dire de toute manière ? Pas grand chose. Il sait ce qu'il fait. Et s'il a un peu de temps à lui accorder, hein ... C'est pas elle qui ... Et bien, c'est pas elle qui l'oblige à faire quoi que ce soit. Non. Clairement pas. Et puis, elle serait, sans doute, mal avisée de ... lui poser des questions. Et de chercher à savoir pourquoi il veut l'emmener dès à présent. De toute manière, Lila a froid. Elle a faim. Elle serait vraiment stupide de refuser une nuit ou plusieurs dans un endroit bien chaud. Avec une pizza en prime. Sa main se referme sur la sienne. Il la guide à travers le parc. Elle le suit. Sans rien dire. Elle est fatiguée. Trop pour se rendre compte qu'il se joue d'elle. Pour se rendre compte qu'elle fait une connerie d'accepter de l'aide d'un inconnu. Ils finissent par rentrer dans la voiture du russe. Aussitôt, ou presque, la chaleur de l'habitacle la saisit. Elle est bien. Elle est au chaud. Là. Même si le veston d'Alexeï a bien fait son effet, là, c'est encore mieux. Bien mieux. Elle est vraiment bien. Elle ferme les yeux une fraction de seconde tandis que le véhicule se met en route. Le silence. On n'entend que le silence. Pas un mot. Pas un bruit. Parce qu'elle est fatiguée. Parce qu'elle ne sait pas quoi dire de plus. Parce que son hôte semble pensif.

Après un moment, ils arrivent finalement dans le district un. A l'appartement du russe. Un grand immeuble. Elle lève la tête, regarde vers le ciel étoilé. C'est vraiment un grand immeuble. Les habitations du district un ? Elle n'a jamais eu l'occasion de venir jusque là. Et ça coupe le souffle. Et elle est loin d'avoir tout vu. Réellement. Ils rentrent dans l'immeuble. S'engouffrent dans l'ascenseur. Et finissent par se retrouver devant ... Et bien, devant la porte de cet appartement luxueux. Il l'ouvre. Se pousse afin de laisser rentrer Lila. Et là ... c'est le choc. "Oh mon dieu ..." Elle se pince les lèvres. Elle rêve. Elle halucine. C'est ça ? Elle cligne des yeux. A plusieurs reprises. Elle a l'impression ... d'être comme un soir de Noël où elle va ouvrir un cadeau. Quelque chose dont elle a envie depuis longtemps, très longtemps. Elle n'arrive pas ... Elle n'arrive pas à en croire ses yeux. Non. C'est ... Dingue. Elle passe une main devant sa bouche. Elle ne va pas parler de la vue qu'elle a sur la ville. Mais plutôt de l'appartement en lui-même. C'est grand. C'est spacieux. C'est beau. C'est chouette. C'est un peu poussiéreux, oui. Comme il a pu lui dire un peu plus tôt. Mais en même temps, hein, quand bien même il y a un peu de poussière, c'est rien. Du tout. "Je ... ne m'attendais pas vraiment à ça." Elle secoue la tête. Elle ne sait pas ce qu'elle pourrait dire de plus, là, tout de suite.

Cet appartement, c'est juste ... Est-ce que c'est magique ? Oui. C'est le cas. Un rêve. Elle a l'impression qu'elle est en train de dormir. Qu'elle a doucement sombré dans le sommeil, qu'elle est encore là-bas, au parc. Morte de froid. Ou presque. Mais non. Cette chaleur qui l'anime, cette chaleur qui la prend, ce picotement au bout des doigts, non, ce n'est pas un rêve. C'est réel. Elle est bien là. Dans un appartement d'une beauté ... D'une beauté incroyable. Et la vue ... Elle ne s'est pas encore totalement approchée des fenêtres pour observer la vue. De loin, elle voit les lumières qui oscillent sous ses yeux. Les voitures qui roulent et qui provoquent un jeu de lumières incroyables. Elle souffle. C'est ... difficile de croire qu'elle vient de franchir le pas d'un appartement qui lui réserve mille et une beautés. "Je comprends, oui." se contente-t-elle de répondre. Encore perdue par ce qu'elle est en train de vivre. Par le fait qu'il lui tende une main et qu'il lui mette à disposition un tel appartement. C'est un peu poussiéreux. Mais ça n'ôte aucun charme au loft. Clairement pas. D'ailleurs, il s'en excuse. "C'est pas grave." Elle secoue la tête. "La ville ou le squat où j'étais sont bien plus poussiéreux." Et crades. Et bruyants aussi. Oui. Tout un tas de choses qui font que ... qu'elle va passer une bonne nuit. La première depuis un bout de temps d'ailleurs. Depuis très très longtemps. Le russe s'avance dans le loft. Elle le suit. Timidement. Parce qu'elle reste impressionnée par tout cela. Elle se pince les lèvres. Il lui explique que la cheminée est électrique et qu'elle n'a pas besoin de s'embêter avec du bois. "C'est vrai que c'est plus pratique ... Et ça serait vraiment compliqué de faire venir des bûches jusqu'ici." Une maison, oui, elle peut avoir un petit abri qui conserve les bûches de bois. Un appartement, c'est plus ... compliqué. Et pas qu'un peu. Comme il l'allume, le salon se réchauffe au fil des minutes. Elle finit par ôter le veston d'Alexeï. Elle n'en a plus besoin. Le russe lui indique une porte qui est fermée et lui propose d'aller prendre une douche pendant qu'il s'occupe des pizza. Elle a un hochement de la tête. Elle ne répond rien. Elle récupère son sac qui contient ses quelques affaires, pas grand chose, et elle se dirige vers ce qu'elle pense être la salle de bain. De moins, elle va dans la direction qu'il lui a indiqué un peu plus tôt. Elle pose la main sur la poignée de la porte. L'ouvre. Ca l'agresse. Dans le sens où c'est tellement beau. Elle se pince les lèvres. Là, tout de suite, elle se considère comme chanceuse. Dans quelques années, avec le recul, elle comprendra qu'elle a bien été piégée. Elle ferme la porte derrière elle. La salle de bain est grande. Si ça se trouve, à l'étage, elle est encore plus grande. Elle n'en sait rien. Elle n'a pas de tenue de nuit. Ca arrive souvent des vols quand elle était dans un squat. Y'a ce peignoir, au pire. Parce qu'elle compte bien laver toutes ses affaires. Elles sont plutôt crades. Beaucoup même. Lila déverse les vêtements de son sac dans la machine à laver qui est juste à côté. Elle se dénude et met le reste dedans. Au moins, la machine va tourner. C'est pas sorcier à la faire fonctionner. C'est simple. Elle la met en route avant de se glisser dans la cabine de douche. Elle tourne les robinets et l'eau glisse sur sa peau. Toute la crasse qu'elle a pu accumuler commence à se ... commence à glisser également le long de son corps pour finir emporté dans le sillon. Elle frotte. Parce qu'en ne frottant pas, tout ne partira pas. Elle en profite pour se laver les cheveux, également. La douche est longue. Une bonne dizaine de minutes. Peut-être plus. Mais Lila en a bien besoin. Elle finit par sortir de la cabine de douche, un peu frissonnante, mais tellement mieux. Elle attrape le peignoir et s'emmitoufle dedans. Elle a honte. Honte de devoir s'afficher en peignoir. Mais elle n'a pas le choix après tout. Toutes ses fringues sont en train de se faire laver. Et elle ne va clairement pas revenir dans le salon toute nue. Ca serait juste abusé. Elle passe un coup dans ses cheveux. Pour les démêler un peu. Les peigner. Et quand elle est plus ou moins présentable, elle se décide de sortir de la salle de bain. Enfin, avant de le faire, elle en profite pour ouvrir la petite fenêtre histoire de laisser échapper toute cette buée qui ... Et bien, qui s'est accumulée pendant sa douche.

Lila laisse Alexeï, seul, dans le salon. Elle a filé dans la salle de bain. Pour prendre une bonne douche. Ca fait un petit moment qu'elle n'a pas eu l'occasion de se glisser dans une salle de bain. Que ça soit sous une douche. Ou bien dans une baignoire. Non. Alors, elle va en profiter un peu. Enfin, comme son hôte est là, elle va éviter de rester pendant une heure dans la salle de bain. Elle pourrait. Oui. Elle pourrait se faire couler un bon bain. Et se prélasser. Et attendre tranquillement que le temps passe. Jusqu'à ce que l'eau soit froide. Elle serait bien capable de s'endormir d'ailleurs. Mais elle n'en fait rien. Parce que Alexeï est là. Parce qu'elle ne veut pas le laisser trop longtemps. Peut-être que ... peut-être que c'est stupide. Peut-être qu'elle peut prendre son temps. Mais déjà elle trouve adorable qu'il l'ait amené jusque là. Sans se douter qu'il a des arrières pensées. Donc, elle fait vite. Elle fait quand même en sorte de bien se nettoyer. D'enlever la crasse et tout ça. Elle frotte, elle frotte. Elle se lave les cheveux. Elle laisse l'eau glisser sur sa peau. C'est agréable cette chaleur qui la saisit. C'est vraiment agréable d'ailleurs. Oui. Carrément. Elle ferme les yeux durant quelques instants. La machine tourne à côté. Lila souffle. Cette douche chaude lui fait un bien fou. Vraiment. Elle évite de mettre trop chaud pour ne pas se faire brûler. Mais ça fait du bien. Elle penche la tête sur le côté. Elle sort de la salle de bain. De la buée à sa suite. Elle retrouve Alexeï qui ... Est bien, qui est toujours dans le salon. Elle croise son regard. Sans doute qu'il ne devait pas s'attendre à ce qu'elle sorte en peignoir. Mais en même temps, elle n'a pas trop le choix. "Oui, parfait. Merci." Elle a un hochement de la tête et s'emmitoufle bien dans le peignoir. "Mes fringues sont en train de se faire laver aussi. Elles avaient bien besoin." Carrément d'ailleurs. Il s'excuse sur le fait qu'il n'ait rien d'autre pour elle. "C'est pas grave. Le peignoir, ça sera bon." Et avec le chauffage, oui, elle se mettra sous les draps. peut-être qu'elle dormira toute nue. Elle n'a jamais eu à le faire. Mais elle doute de bien dormir avec le peignoir. Quoi que ... Ouais, avec la fatigue qui la prend, elle va tomber, sans doute, comme une masse. Ou du moins, elle l'espère. Le russe lui indique qu'il a commandé les pizza. "Ah, parfait alors." Elle a un hochement de la tête. Est-ce qu'elle a faim ? Bien sûr qu'elle a faim. Oui. Elle a son ventre qui grogne à chaque fois qu'il parle de nourriture. Pour dire que manger quelque chose de bon, ouais, elle va se faire plaisir. Après, elle ne sait pas la taille de la pizza. Elle ne sait pas si elle va tout pouvoir manger ou bien si elle en aura pour plus tard. Pas pour le petit déjeuner. En ce moment, elle prend pas de petit déjeuner. Elle peut pas. Et elle mange ... Elle mange ce qu'elle peut, quand elle le peut. Mais elle ne va pas se gaver non plus. Elle n'est pas une oie qu'on engraisse. Si elle peut pas tout manger, elle va pas se forcer à le faire, même pour faire plaisir au russe. Elle gardera ça pour plus tard. En parlant du russe, il s'installe sur le canapé. Et tape ce dernier pour qu'elle vienne l'y rejoindre. Alors, c'est ce qu'elle fait. Elle s'installe pas très loin de lui. Tout de suite, ou presque, il lui demande ce qu'il peut faire d'autre pour elle. Elle hausse les épaules tout en le regardant. "Et bien ... Je sais pas." Elle secoue la tête. "Si j'veux faire les choses bien, déjà, va falloir que je me trouve un boulot." Donc, pour le faire, il va falloir un ordinateur pour éplucher les offres d'emploi. Ou qu'elle se bouge pour chercher le journal. C'est utile. "Peut-être des vêtements ... qui font plus professionnels que ceux que j'ai." Parce que honnêtement, oui, c'est pas la joie. Après, elle est jolie. Mais le fait qu'elle soit jolie ne va pas forcément l'aider à trouver un job. Parce que les promotions canapé ou des trucs dans le genre, non, c'est pas ce qu'elle veut. Pas que ça ne l'aiderait pas. Pas vraiment d'ailleurs. Non. Elle a même l'impression que ça lui apporterait plus d'ennuis qu'autre chose. Enfin, elle ne sait pas qu'elle est déjà dans les ennuis. Et ce depuis que Alexeï a posé un regard bienveillant sur elle.