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William Hemingway
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Dogs do speak, but only to those who know how to listen Empty Dogs do speak, but only to those who know how to listen

Ven 31 Aoû - 17:37
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Le temps est paisible, ce soir.

J’aime à croire que nos ombres ne troublent que les auréoles protectrices des lampadaires. Que nos errances n’alertent que les étoiles, guides astrales dont la clarté s’intensifie au plus profond de la nuit, comme pour nous indiquer la marche à suivre. Malicieux, le vent s’oppose à notre avancée, ses mains sans chaleur pressent nos corps comme elles s’engouffrent dans une voile, tentant sans succès de nous détourner de notre route. Que cherche-t-il à faire ? Traître, il porte nos odeurs aux autres chiens, dont les aboiements craintifs visent à alerter leurs maîtres de notre intrusion. Nous remontons la rue d’un quartier calme et tranquille, où, pourtant, un certain malaise prend progressivement ses aises. Nous ressentons une certaine tension dans l’air, un malaise typiquement humain, quand j’aperçois, du coin de l’œil, les rideaux qui se soulèvent, les yeux qui nous observent. Une inquiétude latente, mais bien présente, semblable à celles de batraciens craintivement blotties dans leur mare à l’aperçu de la moindre silhouette. Que s’imaginent-ils, derrière la protection de leur fenêtre, à l’abri, sous leur toit ? Une question rhétorique. Il n’y a pas tant besoin de réfléchir pour le comprendre. Pour le savoir. La crainte que nous ne nous installions quelque part, devant un garage pour profiter de la chaleur, dans un jardin qui n’est pas le nôtre que nous souillerons de nos odeurs, ou encore, aller sonner à leur porte, en quête d’un peu de nourriture, d’argent, d’un sourire, d’un fragment de bonheur, volé à la dérobée par une porte entrebâillée.

Le bonheur dont l’on se souvient est souvent un bonheur perdu. Pour ma part, les réminiscences qui me reviennent sont celles de mon appartement. Mon refuge face au monde. Un abri, où j’ai pu réunir tout ce que j’avais de plus cher. Sans en avoir conscience, nous apportons tant d’importance à nos maisons. A ces lieux de repos, où un toit fend les vents glacés, évince la neige immaculée, où les murs sont comme un cocon où la vie, l’amour, s’épanouissent au point de les imprégner. Tout du moins, c’est le portrait que je me dresse, l’image probablement fantasmée d’une réalité pas si idyllique. Il suffit de voir cet enfant assis sur son lit, les jambes ramenées contre lui, les yeux baissés, alors que ses parents se disputent à côté. Il suffit de voir la vieille femme qui reste, seule, dans son fauteuil, dans un salon bien trop grand pour elle. Eclairée par une seule et unique lampe mourante, dont la lueur fantomatique renforce la vulnérabilité de cette pauvre âme isolée dans la pénombre, bientôt emportée par l’obscurité.

Pourquoi vais-je donc me perdre dans ces ruelles ?

Par habitude. Pour que ma marche soit utile. Pour veiller à la sécurité de ces rues, de ces familles. J’ai toujours eu l’habitude de patrouiller, combien même n’étais-je pas en service. Marcher m’aide à penser. Je ne me lasse pas d’observer, de comprendre, d’apprendre. Jusqu’à connaître et reconnaître la moindre ruelle, le moindre regard. Jusqu’à savoir quelles sont les heures où les dangers sont les plus présents, pour m’y rendre. Explorer ne m’a jamais inquiété – ni mettre mon nez dans des affaires qui ne me concernent pas toujours. Disons que jusqu’à présent, je ne me suis jamais réellement attaché à quelqu’un. Assez, j’entends, pour vouloir le ou la rejoindre en fin de soirée, pour, moi aussi, me mettre en sécurité. De même, je n’ai jamais eu l’occasion de rencontrer quelqu’un d’assez inquiet à mon égard pour me le signaler. Pour me faire comprendre que ma vie ait une importance, assez pour que je n’aille pas la risquer sans réfléchir à ce que je faisais. Et pourtant,  malgré ce détachement que je ressens, je ne cesse de vouloir assurer la protection de cette ville et des gens qui y vivent.

Parfois, je regrette d’avoir passé plus de temps dehors que dans mon appartement. Parfois, je ressens ce manque. Cette absence. La lassitude de cette errance sans fin. Celle d’une vie passée à marcher, marcher, marcher, sans abri dans lequel me réfugier. Sans un lit pour m’y blottir, sans une famille pour m’accueillir, sans amis pour venir. Parfois,  mes yeux se perdent le long des façades des maisons, caressent leurs fenêtres, espèrent, que sais-je, qu’une porte s’ouvre, qu’une personne m’interpelle ?

Quand je portais l’uniforme, il y a quelques années de cela, il suffisait que je fasse quelques pas pour que l’on vienne me voir. Pour que l’on me salue, d’un sourire, d’une inclinaison de la tête, ou que l’on me remarque, d’une simple œillade, d’un détour de regard. A présent, je vis avec l’ignorance. Pas celle que j’ai crue vivre au travail, quand on se contentait de me laisser seul près de la machine à café ou que l’on ne m’attendait pas pour manger. Non, celle-ci est bien plus redoutable. On passe devant moi. La tête baissée. Ou l’on change de trottoirs, comme si j’étais un pestiféré. Les salutations cordiales sont plus rares encore que l’argent que l’on daigne me donner, me retirant, progressivement, tout semblant d’humanité. Tout respect, mais qui sont-ils pour juger que je ne l’ai plus mérité ? Il m’est difficile de supporter l’idée d’être relégué à n’être qu’une immondice que l’on méprise. Depuis quelques années, je découvre un autre vice de l’humanité, une faiblesse menaçante, tant pour soi que les autres, qui peut mettre la vie d’Hommes en danger. Un tort que l’on peut qualifier par un seul mot. Ignorance.

L’ignorance des Hommes. Par ignorance, j’entends leur incroyable faculté à ne pas faire attention à ce qu’il se trouve devant leurs yeux. A leur don de s’évader pour éviter une situation, une confrontation ou ne serait-ce, qu’une discussion, comme lorsqu’on me jette une pièce sans un salut, trop pressé pour me regarder, trop effrayé pour rester, trop nerveux à l’idée même d’être dérangé ou troublé. L’ignorance peut tout aussi bien qualifier cette stupidité dont certains peuvent faire preuve. Je reste éberlué quand je vois l’incompétence des Hommes quand un type peu recommandable accoste lourdement une jeune femme, je ne comprends pas le manque de réactivité quand un homme se fait agresser par d’autres. L’Homme préfère dresser son téléphone face à l’injustice, l’humiliation ou une mise à mort, plutôt que lever le poing pour protester. Je reste marqué, blessé par certains traitements injustifiés. Comme ces fois où des jeunes s’amusent à me provoquer, dans le simple espoir de me voir réagir. Comme cette mère qui a arraché cette enfant quand elle s’était approchée pour me demander si elle pouvait caresser Lila. Qui a disputé sa fille, comme si elle s’était mise en danger en s’approchant de moi. Si elle savait qu’il y avait encore quelques années, j’avais attrapé l’enfant alors qu’elle avait manqué de se faire renverser, pendant que sa mère était trop occupée à discuter. Mais je n’ai rien dit. Rien fait. Je me suis contentée de sourire à l’enfant, sourire à sa mère. Sourire.

Je souris, quand je marche dans ces rues. Souris, pour rassurer ces personnes terrées chez elle, pour leur assurer que je ne ferai rien, que mes chiens resteront près de moi, qu’ils sont leurs gardiens. Mais ils l’ignorent. Ils ne voient que ma maigreur, sous mes vêtements sales. Le boitement de mon énorme chien, qu’on pense peut-être que je maltraite alors qu’en réalité, je suis celui qui l’a sauvé d’un destin qui en horrifierait plus d’un ? Un chien de combat handicapé ne devient, rapidement, qu’un appât pour exciter ses congénères. Et je ressens de la tristesse. Râ le sent. Mon berger allemand, bien vieux lui aussi, se rapproche assez pour que sa langue chaude effleure mes doigts. J’effleure le bout de son museau. Râ. Mon partenaire, de toujours. Sa fourrure grisonne, comme mes cheveux et ma barbe se mèchent de gris. Son allure est naturellement calquée sur la sienne et bien qu’il garde la tête légèrement baissée, ses oreilles restent droites, fières. Mon autre main tient fermement le collet de Glas, par habitude. L’énorme Mastiff marche lourdement près de moi, sans un son. Malgré sa masse, Glas est silencieux. Mais il faut se méfier du calme avant la tempête. A dire vrai, ses victimes ont eu le temps de hurler avant d’entendre ne serait-ce qu’un grondement de prévention de sa part. Après son vécu, Glas n’a plus la patience d’intimider son adversaire et saisit la moindre ouverture pour attaquer. La surprise est une alliée sur laquelle il sait bien s’appuyer. Dingo, lui, trottine devant nous. Il aboie, parfois, par jeu, pour nous encourager peut-être à accélérer le pas. Je le surveille attentivement : je sais que plus que nous tous, Dingo manque d’une maison. Que la chaleur ou les jardins protecteurs lui donnent envie de s’y réfugier, d’y rencontrer tous ces Hommes dont il apprécie naïvement la compagnie. Lilas reste entre lui et nous, attentive, mais elle commence à fatiguer, je le sens dans sa manière de poser les pattes, par sa démarche un peu plus chaloupée. Ma chienne laisse échapper un bâillement, s’ébroue et accélère un peu l’allure, la tête droite. Elle ne prête pas attention à ce qu’il se passe autour de nous, occupée, comme moi, à garder un œil attentif sur le jeune Dingo. Rubis, dans la poche ventrale de ma polaire, laisse échapper un miaulement.

Je m’immobilise quelques secondes avant de me décider : je prends le risque de m’arrêter à une fontaine à eau que j’actionne. Je suis le premier à boire, puis je libère quelques instants Glas de sa muselière pour lui permettre de s’hydrater à son tour. Viennent Râ, Lilas puis Dingo et enfin, Rubis que je dépose en douceur sur le sol.

_ Où allons nous nous reposer, ce soir ?

Je me le demande, à voix haute, bien que je me doute qu’aucun d’eux ne va me répondre. Alors que je me redresse pour observer une rue. Je suis tranquille, il est nécessaire, pour garantir la docilité des chiens, de faire preuve de tempérance et d’une bonne maîtrise de soi. Laisser transparaître la peur, l’angoisse ou la colère peut provoquer chez l’animal des réactions toutes aussi violentes. En réalité, je suis inquiet : m’arrêter dans un endroit si habité peut inciter à la méfiance… Je ne souhaite pas à ce qu’on contacte mes anciens collègues pour faire part d’un « rôdeur » ou que sais-je. Sensible, Râ se colle à ma jambe, en silence. Je baisse la main pour effleurer le sommet de son crâne, mais remarque ses yeux d’or rouillé fixés sur un homme, sur le trottoir d’en face. Une ombre dont le faciès disparaît dans l’obscurité, dont je discerne seulement un corps en apparence entraîné. Râ garde les oreilles relevées.

_ Bonsoir. Nous nous sommes arrêtés prendre de l’eau, nous allons repartir. Je m’excuse pour le dérangement.

J’ai pris la parole. De ma voix grave et posée, lente dans ses intonations. Une voix inchangée. Elle a l’habitude de rassurer. De faire preuve de fermeté, une autorité nécessaire pour les chiens, un cadre pour les victimes et de quoi imposer le respect aux malfrats que j’ai pu attraper. En ce jour, elle ne me sert qu’à apaiser les esprits les plus soucieux, ceux qui craignent que ma présence menace leur sécurité. Ceux dont la tête et le corps sont comme un doigt sur une gâchette : le moindre faux pas et le ton monte, les chiens réagissent et la situation peut dégénérer. Je remets la muselière à Glas, ma main se referme sur son collier épais, je vais pour m’avancer. Mais Râ reste immobile. Étonnant, de sa part. Il garde la tête tournée vers l’homme. Vers cet homme qu’il connaît, assez pour m’alerter, pour que je me fige et m’intéresse plus attentivement à lui.

_ Râ vous connaît.

Je n’en dis pas plus. Un sourire revient sur mes lèvres, un sourire plus franc cette fois-ci. Le sourire épuisé d’un homme ayant enfin retrouvé un endroit où se reposer. Le sourire fatigué d’un homme las d’être ignoré, au cœur lourd et inquiet, libéré d’un fardeau, simplement rassuré, réconforté, par la présence de cet homme que je reconnais. Je le sens en moi, une chaleur bienfaisante, rare et presque oubliée. L’amitié.


Dernière édition par WIlliam Hemingway le Sam 1 Sep - 15:21, édité 5 fois
Charles Norrington
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Ven 31 Aoû - 22:45
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Nuit, il faisait déjà nuit. Le soir était tombé sans prévenir, sans attendre qui que ce soit. Norrington avait quitté le poste de police et filé à la salle de sport dès qu'il avait pu. Ce n'était plus une saison à sortir dehors pour faire une cinquantaine de kilomètres en vélo. Une cinquantaine… Il ne savait même plus quand était la dernière fois qu'il s'était permis de faire une sortie d'une centaine de kilomètres, pour quitter un peu de la ville, s'en éloigné le temps de quelques heures. Oublier ce monde de fou pour sentir le vent glisser sur ses doigts qui maintenaient le guidon courbé. Entendre le bruit de la chaîne qui passe d'un plateau à l'autre, d'une vitesse à l'autre. Voir les chiffres défiler sur le compteur et être le seul maître à bord, le bitume pour seul compagnon. Lever la tête de temps à autre pour observer le paysage entrain de défiler.

Pas ce soir, non. Il avait opté pour du crossfit. Un nom qui sonnait étrangement à ses oreilles, comme le dernier sport à la mode. La mode… il ne suivait pas ce courant qui déferlait comme un torrent de boue en plein orage. Lui qui ne savait même pas quels étaient les nouveaux mots à connaître chez les jeunes pour ne pas passer pour un vieux. Il n'avait même pas essayé de parlé le même langage que ses enfants, un anglais correct c'était déjà beaucoup pour se faire comprendre. Alors, sac de sport sur le dos, corps endoloris par cette séance sportive, il marchait dans la rue pour rentrer chez lui. Capuche sur la tête et main dans les poches, il regardait un peu le monde autour d'un air quelque peu distrait. Après s'être fait souffrir les muscles, il avait à présent l'esprit vide et le pas léger. Demain matin au réveil il aurait probablement quelques courbatures. Ce n'était pas cher payé pour rester un peu en forme pour un Capitaine de Police, il pouvait encore lui arriver de courir après des suspects.

Dire qu'à une autre époque, au même âge il passerait pour un grand-père. Peut-être même qu'il serait arrière grand-père. Autre temps, autres mœurs. En un sens il était content de ne pas être né au moyen-âge. C'était somme tout à peu près le genre de réflexion que notre homme pouvait avoir quand il sortait de la salle de sport. Il ne fallait pas lui parler de fusion nucléaire, son esprit était plutôt à se demander si Dora l'Exploratrice avait de la famille. Rude journée, il fallait lui pardonner.

Il n'était qu'une silhouette anonyme dans les rues éclairées par les lampadaires. Un fantôme au visage incertain, les orbites parfois insaisissables sous sa capuche. Personne pour se douter de ce à quoi il était entrain de penser à ce moment là. * Et si les dinosaures n'avaient pas disparu, est-ce qu'on serait quand même apparu ? Ou alors on serait des reptiliens, mais dans ce cas est-ce qu'on aurait conscience qu'il y aurait pu avoir une autre forme d'espèce intelligente que nous ? Pourquoi je pense à ça moi ? * Une voix le fit sortir de ses réflexions sans qu'il n'y prête vraiment attention. Son regard se posa sur l'homme et sa meute. Machinalement, Charles lui fit un signe de la main pour le saluer ou juste lui souhaiter la bonne soirée, c'était un peu une libre interprétation pour celui qui le verrait.

A présent qu'il n'avait plus la tête dans la lune, il continuait pourtant de marcher tout en voyant l'un des chiens qui l'observait. Il salua également l'animal par politesse, parce qu'il savait que les animaux étaient sensibles à ce genre d'attention. Tout du moins il l'avait toujours pensé et il n'avait jamais eu de raison d'en douter. A nouveau la voix s'adressa à lui, forçant Charles à s'arrêter cette fois. Un instant il resta observer la petite meute et son chef à deux pattes. D'un geste lent, il posa sa main sur le haut de sa capuche, retira celle-ci toujours avec la même lenteur. Il prenait le temps de saisir cet instant aussi curieux qu'intrigant. Est-ce que… Non. Tête nue, cachée derrière sa barbe, les visages anonymes étaient devenus un peu plus familier.

Le Capitaine penchait légèrement la tête de côté et fit un pas vers ce petit monde. Ses prunelles noisettes posées sur le chien qui continuait de l'observer. Râ… Ce nom lui disait bel et bien quelque chose. Du coin de l’œil, il surveillait aussi le molosse à la muselière, prêtant un peu plus attention à chaque chien, jusqu'à arriver à celui qui se tenait au milieu. Charles esquissa à léger sourire à demi caché par sa barbe.

- William ? Dit-il d'une voix calme, l’intonation montant vers l'interrogative alors même qu'il savait.

C'était lui ? C'était bien lui ? Il avait du mal à y croire, du mal à le reconnaître. Les joues creusées, l'air fatigué d'un poids trop lourd à porter. Mains fourrées dans les poches Charles continuait d'observer comme s'il était face au reflet d'un autre monde. Il avait envie de lui poser un millier de questions, savoir… Savoir… Bon sang s'que ce bonhomme avait pu lui manquer ! En faite il ne savait même pas quoi dire tant cette rencontre était improbable. Plusieurs années s'étaient écoulées depuis le renvoie de son collègue, sans avoir de nouvelles. La bouche était légèrement entre-ouverte. Il avait envie de parler mais aucun mot ne parvenait à formuler une phrase. Son regard parti dans le vague avant de reprendre.

- Ça fait un baille, finit-il par dire. Tu deviens quoi ? Leader d'un groupe de punk rock ?

L'humour, encore et toujours. C'était l'une de ses armes dans ce genre de situation, une situation imprévisible, improbable. Quelque chose sur lequel il n'avait aucune maîtrise. C'était mieux que rien ? Tenter d'arracher un sourire à quelqu'un, du moins quand on savait qu'il tentait de faire de l'humour. Ce qui n'était pas toujours le cas en règle générale, ses collègues pouvaient en témoigner.


Dernière édition par Charles Norrington le Dim 7 Oct - 17:26, édité 4 fois
William Hemingway
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Sam 1 Sep - 14:17
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C’est dans un geste lent que l’homme retire sa capuche. Les rayons d’un lampadaire voisin dessinent alors consciencieusement des traits connus : quelques ombres se plongent dans les marques abandonnées par le temps et l’expérience, alors que quelques lumières délicatement déposées esquissent un nez, apportent, à son regard, une rare intensité. Et je me rappelle de cette fois où nous nous sommes rencontrés. Alors que j’étais dans la cour dans laquelle les chiens de la brigade pouvaient se dégourdir les pattes. J’étais debout, sous un porche alors que la pluie battait son plein, à observer le ciel et à écouter ses plaintes, un chien effrayé par l’orage collé à mes jambes, un chien que je rassurai d’une main déposée sur son crâne. J’avais vu cet homme, moins âgé à l’époque, sortir du bâtiment principal, trottiner sous la pluie pour me rejoindre. Il avait retiré sa capuche et j’avais pu unir mes yeux aux siens. C’eut été un premier contact, primordial pour moi, comme l’on présente sa main à un animal pour lui permettre d’humer notre odeur, de montrer s’il tolère notre présence. Et il avait souri. Ce sourire qui, naturellement, m’avait donné l’envie de lui répondre. Ce n’avait été qu’un instant, fugace, éphémère, un instant qu’on peut effacer et que j’ai pourtant précieusement conservé. J’ai pourtant eu l’occasion de croiser de nombreux sourires mais le sien avait toujours été particulier. Il était… Chaleureux et spontané. Assez pour me rassurer dès l’instant où il s’était approché, où il s’était présenté, à sa manière. Et sans avoir même eu le temps de parler, il m’avait encouragé à l’accepter. A l’apprécier.

Son nom éclot sur mes lèvres.

_ Charles Norrington.

Ces mots, je l’ai prononcé avec tout le respect que je lui voue. Avec cette affection pudique mais bien présente, celle qui éclaire mon visage fatigué, celle qui arrive à me faire sourire avec la même franchise que ce premier jour où nous nous sommes rencontrés. Ce jour où il a réussi à vaincre ma sauvagerie, sans avoir même un effort à fournir, mais s’étant contenté d’un simple sourire. Je me souviens qu’il avait fait une remarque sur le temps et les chiens, qu’il avait réussi à m’arracher un rire, comme ce soir où un pouffement s’arrache de ma cage thoracique.

Charles a toujours été un homme apprécié. Ses qualités empathiques le dotent de capacités d’adaptations incroyables, utiles en toutes occasions : je me suis déjà amusé à le comparer à un couteau suisse. Une personnalité souple, alliée à un esprit fin et alerte l’aidant à adopter le comportement le plus approprié envers une personne rencontrée. Nombreux sont ceux qui se contentent de la surface qu’il affiche, de cet humour redoutable qui est une de ses armes les plus efficaces, il surprend, déstabilise, peut tourner en quelques mots habilement placés toutes situations à son avantage. Le rire est le meilleur outil pour détendre son interlocuteur, pour l’inviter, progressivement, à ouvrir son cœur. Comme il a pu le faire avec moi. Et pourtant, c’est avec cette même arme qu’il peut savoir prendre de haut un ennemi, le ridiculisant parfois bien plus efficacement avec ses mots qu’avec la force, simple et stupide, bête et naïve. Son intelligence et sa profondeur sont des qualités qu’on a tendance à oublier, alors que pour pouvoir rire de tout, il faut disposer de bien meilleures qualités qu’une simple éloquence : il faut être réactif, attentif, réfléchi, posséder une certaine culture et savoir s’en servir. J’ai toujours admiré ses qualités sociales. Je l’ai toujours admiré lui. Pour ce qu’il est.

Pour cette force terrée au fond de lui. Cette puissance qu’il cache, dissimule derrière un sourire, mais que j’ai déjà eu l’occasion de ressentir. Il ne la dévoile que très rarement. Parfois, ce n’est qu’une phrase qu’il lâche dans un soupir, efface derrière une remarque sarcastique qui suffit à détourner l’attention du grand public, de ces collègues qui ne cherchent pas plus loin que ce qu’il montre. Parfois, ce n’est qu’un regard, qu’il jette à un dossier qui le soucie, un dossier épineux où la vie de certains peut dépendre d’une décision, d’un choix, d’une idée. De lui. Il a beaucoup de responsabilités et bien qu’il fasse mine de prendre son métier à la légère, je sais qu’il s’agit d’un des hommes sur lequel on pourra toujours compter. D’un homme qui n’hésitera pas à défendre ceux dans le besoin. A prendre des risques, si cela est nécessaire. D’un homme qui s’insurge face à l’injustice. D’un homme qui a affronté l’ignorance et qui a pu provoquer des sourires gênés quand, d’une blague, il fait remarquer une information gênante dans un dossier, l’implication d’un autre policier, pour n’en donner qu’un exemple.

Charles.

Charles est l’un des seuls amis que j’ai pu compter dans ma vie. Le seul qui, en un geste banal, m’a fait comprendre, m’a fait ressentir, que je n’aurais rien à craindre de lui. Alors que nous nous connaissions à peine, je l’ai surpris me défendre, un soir, alors que je passais récupérer un dossier. De ce que j’avais entendu, de loin, on critiquait mes possibles origines. Le « sauvage » était un surnom dont on aimait m’affubler : mais qu’en présence de Charles, on finit par taire, presque l’oublier. Je l’avais bien remarqué, bien que nous n’en ayons jamais discuté.

Alors quand je le reconnais, je m’approche de lui. A pas rapides, je traverse la route, j’ai l’envie de l’enlacer. Mais je ne veux pas l’importuner avec mon odeur, avec la saleté qui souille mes vêtements. Poliment, je lui tends la main, une main usée par les petits boulots que j’enchaîne pour avoir de quoi nourrir les chiens. Une main épaisse, abîmée, couverte de cornes, avec laquelle je sers fermement la sienne. Comme le jour de notre rencontre, il est arrivé au moment opportun. Au moment où je pensais à des choses sombres, que son sourire et son humour ont chassé aussi aisément que le vent repousse l’orage.
Depuis notre dernière rencontre, j’ai perdu une vingtaine de kilos. Mes joues sont creusées, les os de mes mâchoires, de mes pommettes, sont saillants. Je veille à me raser, tout du moins, à avoir une barbe disciplinée, de même que mes courts cheveux, taillés en mèches inégales mais coiffées. Je tiens à bien présenter, ma chemise est rangée dans mon jean, je porte une veste en cuir abîmée. Mon sourire trahit probablement toute l’émotion que je ressens. Il est rare que je me montre si expressif… Mais il est difficile de décrire l’intensité de l’émotion qui me traverse en cet instant. Je me sens comme un assoiffé à la vue d’une oasis, comme un noyé qui reprend pied. Comme un homme seul, abandonné depuis trop longtemps, qui retrouve un ami, un ami… qui semble heureux de le voir. Comme si mon existence reprenait sens. Comme si, enfin, ma vie reprenait de la valeur. Une bouffée d’espoir, non, une bouffée de bonheur, celle de retrouver la présence d’un être envers qui j’ai confiance, une âme qui, par son feu intérieur, a déjà su me sauver de l’obscurité, éloigner cette méfiance qu’il m’est difficile de délaisser. Comme un guerrier rompu au combat, m’arracher mon armure est toujours un effort coûteux, difficile, et Charles a pourtant su me convaincre de la retirer en sa présence.

Par pudeur, afin de ne pas l’ennuyer avec mes émotions et mon cœur trop sensible en ces temps pénibles, je baisse les yeux, fais mine d’observer sa tenue, avant que sa remarque ne m’arrache un autre petit rire, plus bref encore.

_ Oui. Voici Râ, le bassiste. Glas est le batteur. Dingo joue de la guitare, Lila chante et moi, j’écris les textes. Je compose, aussi.

Autrefois, au bureau, nous pouvions passer des heures à enchaîner des blagues, lui avec son sourire, moi, mon sérieux olympien, au point où nous arrivions aisément à tromper nos collègues. Il était parfois difficile d’extraire la vérité, lors de nos échanges, bien qu’en réalité, l’information la plus pertinente à en tirer était que nous étions amis. Tout simplement. Mais dans ce monde, vide de sens, dans ce monde chaotique, on en vient à oublier les choses les plus importantes. On ne voit que des discussions sans queues ni tête. On ne remarque pas le fait que Charles a toujours été le seul homme avec qui j’acceptais de passer, parfois, des heures. Le seul collègue avec qui je discutais. Avec qui il m’est arrivé de sourire.

J’ai pris le temps de présenter chacun de mes compagnons. Râ reste près de nous deux, situé à portée de main de Charles : Râ lui voue une grande confiance et ne rechigne pas à l’idée que l’homme passe la main dans son pelage ras et grisonnant. Dingo, le jeune chien aux origines aussi confuses que les miennes, tourne autour de nous en remuant la queue, aboie avec plaisir avant de franchement venir presser son museau humide contre le pantalon de Charles, à la recherche d’un peu de sympathie. Dingo est encore jeune et terriblement affectueux. Sensible à mon bonheur, il se montre d’ailleurs plein d’amour désintéressé pour cet homme qu’il vient de rencontrer et à qui il cherche, déjà, à caresser les doigts de sa langue brûlante. Lila, plus méfiante envers les hommes, reste à quelques mètres. Assise à même le sol, la chienne garde la tête droite, le museau légèrement levé pour renifler, de loin, le parfum de Will tout en remuant les oreilles. Glas, le Mastiff d’un bon 90 centimètres au garrot, halète légèrement dans sa muselière. Il reste debout, bien dressé sur ses 4 pattes, le port noble et majestueux, affichant presque les nombreuses cicatrices dont la partie gauche de son museau déformé par une ancienne morsure et son œil absent. Il dégage une véritable aura menaçante, mais que mon calme et ma maîtrise tranquillisent complètement. Néanmoins, il suffit de le voir pour comprendre qu’il vaut mieux ne pas avancer la main vers lui… Charles ne connaît que Râ. Les autres chiens m’ont rejoint au fur et à mesure de mon errance.

_ Je fais… essentiellement de petits boulots, de droite à gauche. Entretiens des jardins, portage de courses, parfois, un peu de ménage…

Je ne mens pas. Disons que j’essaye de tout cœur de trouver un travail rémunéré, bien souvent, en nature. Mendier me dérange car je suis en état d’user de mon corps et de ma tête, je ne suis en rien handicapé. Les opportunités sont très rares et je dois admettre qu’il m’est arrivé plus d’une fois de chercher dans les poubelles des restaurants ou des particuliers de quoi subvenir à nos besoins. Néanmoins, je ne souhaite pas attiser la pitié de Charles ni l’inquiéter. Reconnaître que je suis dans la rue, sans emploi, sans abris, me coûte : j’ai ma fierté et un minimum de dignité. Et quand j’aperçois dans le regard qu’il me porte cette… affection, quand je vois au fond de son regard le fantôme de celui que j’ai été, je n’ai pas le cœur de le décevoir. Je n’ai pas le cœur de tuer cette image qu’il s’est faite de moi. D’un homme indépendant. D’un homme digne et honorable. Que suis-je à présent ?

Voir les regards des autres se détourner de moi, lire le dégoût, la gêne ou le mépris dans leurs yeux, me renvoient un nouvel aspect que je ne pensais pas avoir. Celui d’un rebus de la société. Une impression que j’avais eue quand je n’avais qu’une dizaine d’années, que je cherchais des enfants avec qui jouer. Quand je voyais les parents attirer leur progéniture à l’abri de leurs jardins lorsqu’ils remarquaient la caravane dont je sortais. Je retrouve ces sensations. Celle de n’être… rien. Qu’un détritus abject. Je repense aux maltraitances dont l’on m’accuse. Quand on murmure, en pensant que je n’entends pas, que je n’ai pas de quoi nourrir mes chiens, que je devrais avoir honte de les faire souffrir avec moi. Alors que je les ai trouvés dans la rue. Que je n’ai pas voulu les laisser seuls car je sais à quel point la solitude et l’ignorance sont difficiles à vivre.

Je ne veux pas voir la déception dans les yeux de mon ami. Je ne veux pas qu’il me voit comme les autres ont pu me voir. Comme un sauvage. Il a su reconnaître ma valeur. Il a su la voir, sous mon écorce distante et particulière, sous cette armure que j’ai dû me construire pour défendre mon honneur. Je ne veux pas qu’il change le regard qu’il porte sur moi.

_ Et toi, Charles ? Que deviens-tu ? Parle-moi de toi.

Je l’ai encouragé, d’un sourire du coin des lèvres.

_ Je suis… Heureux de te voir.

Heureux de le voir. Heureux au point de vouloir l’en remercier. Le remercier de s’être arrêté, de m’avoir parlé, de m’avoir appelé. D’avoir prouvé, une fois de plus, qu’il n’était pas un Homme comme les autres et que j’avais eu raison de croire en lui.

Charles Norrington
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Sam 1 Sep - 20:20
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Elle était étrange la vie, n'est-ce pas ?

Charles l'observait avec une attention toute particulaire. Son esprit, endormi par des exercices plus difficiles les uns que les autres, venait de s'éveiller subitement. La torpeur dans laquelle il s'était trouvé plus tôt s'était volatilisée comme de la fumée balayé par une rafale de vent. Quelque chose brillait dans le fond des rétines du Capitaine de police, une lueur vive d'humanité qui somnolait il y avait peu encore. Lorsque son ancien collègue prononça son prénom et son nom de famille à voix haute, c'était un peu comme s'ils se donnaient un mot de passe pour déverrouiller le reste de la conversation qui devait suivre. Une complicité retrouvée après un temps d'absence, intacte malgré le temps qui s'était écoulé.

L'esquisse de son sourire ne le quittait plus. L'homme se souvenait du temps passé avec William, du temps où il travaillait à la brigade canine. Un type bien malgré ce que les autres pouvaient en dire. Mais les autres… Les autres étaient toujours promptes à juger, tirer des conclusions hâtives sans chercher plus loin que le bout de leur nez. Ils ne comprenaient pas, ils ne comprenaient rien, trop embourbés dans leur monotonie pour tenter de s'extirper des schémas sociaux. Trop habitué à leur confort et à répondre aux injonctions sociales. Et ces injonctions, Charles les avait brisé depuis longtemps, depuis l'époque où il avait rejoins l'armée pour se confronter à un cadre de vie rustique où sa propre vie dépendait parfois des autres. Il ne se complaisait pas à propager les clichés, c'était un observateur qui avait toujours été plus attentif que les autres. Dès le premier coup d’œil, il avait su que William méritait bien plus de respect que l'homme le plus riche de ce monde de fou. Il ne demandait rien, n'attendait rien et pourtant il était d'une générosité incroyable. On en faisait peu des hommes comme lui, trop peu. Très tôt il avait eu un certain affection pour ce personnage, un grand frère silencieux avec qui il avait appris bien plus qu'avec tous les mots du monde.

Et l'humour… l'humour c'était semble-t-il quelque chose qu'il partageait toujours puisque l'homme au chien lui répondit en présentant les membres de son groupe de punk rock. Charles posa son regard sur chaque chien pour les observer, notant déjà quelques traits de personnalité à chacun. Il se permis de caresser Râ avec douceur et attention jusqu'à ce qu'un plus vienne à sa rencontre pour quémander un peu d'attention. Sans même y réfléchir, avec une franchise qu'il avait gagné à grandir dans une ferme entouré de bêtes, le Capitaine lui accorda des grattouilles derrières les oreilles. Par habitude ou par respect, il s'agenouilla pour se mettre à la hauteur des deux chiens, profitant pour les caresser avec un peu plus de bienveillance et d'affection. Lui qui n'avait jamais été prompte au démonstration affectives en règle général, il devenait une véritable guimauve. Mais ne disait-on pas que les animaux avaient le don pour révéler ce qu'il y avait dans le cœur des Hommes ? Charles ne cherchait pas à leur prouver qu'il était sincère. Il était seulement véritablement sincère envers eux.

D'une oreille attentive, il continuait d'écouter la réponse de son ancien collègue. Il finit par se relever, remettant en place son sac de sport dont la position sur son épaule avait été mise à mal bandant la distribution de caresses. Malgré les dire de William, Charles sentait bien que cette vie de petits boulots n'était pas des plus aisés. Il le voyait, le ressentait avec l'instinct de flic qui le caractérisait. Mais ce n'était pas à lui de poser les questions, pas comme ça de but en blanc. Ce n'était pas un interrogatoire. Il fallait laisser le temps à la conversation de continuer à se dérouler. Alors il ne disait rien, mais le petit Sherlock Holmes sur son épaule lui faisait noter tous les éléments qui pouvaient lui permettre de tirer les premières conclusions de la situation que son ami et collègue de avoir traversé et devait encore rencontrer. Ce n'était pas vraiment encourageant. Une pointe d'inquiétude venait à naître dans son esprit, mais de la pitié ça jamais. De nouveau, il fourra ses mains dans les poches, ne pouvant lutter contre l'envie de les mettre quelque part plutôt que de laisser ses bras ballants.

- Tu as devant toi le plus fringant des Capitaine du CYPD, dit-il avec aplomb en se regardant lui même entrain d'arborer le look du parfait petit sportif, l'odeur de transpiration en bonus. Oui je sais, présentement on dirait pas comme ça.

Il sorti brièvement l'une de ses mains de son sweat à capuche pour se gratter la barbe qui lui tirait un peu sur la peau du cou, avant de la replonger dans son petit cocon de toile. Il avait l'impression d'être en pyjama et chaussons. Puis son sourire se fit un peu plus franc en entendant son camarade lui dire qu'il était heureux de le voir. Solide sur ses appuies, le regard qui ne cherchait pas à fuir le contact visuel, Charles resta silencieux un très court instant, peut-être l'espace d'à peine quelques secondes. Ses dents apparurent pour la première fois de la journée tandis qu'il remontait sa lèvre supérieur pour étirer un sourire toujours plus sincère.

- Mais moi aussi ! Finit-il par répondre. Bon sang, t'imagines même pas comme ça me fait plaisir de revoir ta tête ! Ah si tu savais la bande de trou du cul que j'ai du me farcir après ton départ… Tu sais que y en a pas un seul qui t'arrive à la cheville ?

Pas un seul, c'était triste à dire. Les bons éléments se comptaient toujours sur les doigts de la main. Pour le moment Charles n'avait besoin que de sa main droite pour les compter, c'était dire à que point les bonnes personnes ne courraient pas les rues de cette ville. Charney avait le don de broyer ceux et celles qui avaient bon cœur. Si le sien était encore intacte, c'était sans doute parce qu'il l'avait enfermé à double tour dans une boite qu'il avait enterré dans le jardin de la ferme familiale. On était jamais trop prudent.


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Dim 2 Sep - 11:17
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Râ apprécie le contact : le vieux berger allemand lève ses yeux d’or rouillés vers cet ami qu’il a reconnu avant moi, l’observant avec une affection désintéressée. Contrairement à Dingo, Râ se contente d’un peu, d’ailleurs, il se redresse sur ses pattes, un effort plus coûteux au niveau de son postérieur à cause de l’âge et il préfère revenir contre moi. Dingo, quant à lui, est aux anges. Quand Charles vient gratter l’arrière de ses oreilles, il entrouvre la gueule dans un grondement de plaisir, ses yeux se plissent de bonheur et il s’empresse de venir contre l’homme quand il se met à sa hauteur. Il vient naturellement loger sa tête assez ronde contre Charles, son museau venant chercher ses mains pour les lécher. Dingo couine, face à ses gestes : malgré sa taille, il reste un chiot, joueur et maladroit, ses pattes écrasent probablement les pieds de notre ami en toute inconscience et innocence. Il est seulement empressé d’offrir à cet homme un peu de cet amour qui le représente tout entier. Dingo a toujours dégagé cette aura particulière, amusante et attendrissante, par ses mimiques, ses manières et cette affection débordante. Un petit « cht » s’échappe de mes lèvres, invitant Dingo à se calmer. Être maître chien m’a demandé d’apprendre à cerner mes chiens et à m’adapter à leurs personnalités. Je veille à leur donner une éducation bienveillante, imposée par Glas car la moindre agressivité éveille en lui des traumatismes encore récents de maltraitances. Dingo, par son excitabilité, pourrait être l’un des plus difficiles à gérer mais son caractère docile facilite grandement son éducation. D’ailleurs, au son de ma voix, le chiot s’assoit et reste tranquille, bien qu’il remue encore la queue dans tous les sens et que son museau vienne, parfois, appuyer la cuisse de Charles.

Quand Charles répond à ma question, je lève simplement un sourcil. En réalité, pas si étonné. Au vu des qualités de Charles, ce n’était qu’une question de temps avant qu’il ne monte en grade. Je ne serais pas surpris que d’ici la fin de sa carrière, il ait atteint le sommet de l’échelle. On ne dirait pas, dit-il ? Oh si, cela se voit. Peut-être car je suis sensible à autre chose que l’apparence. Il est sûr qu’actuellement, il a tout de l’allure d’un de ces pères de famille travaillant dans un bureau et qui ne supporte pas l’immobilisme, quitte à aller se défouler en soirs de semaine pour évacuer le trop plein d’énergie. Charles n’est pas un homme qui se laisse aller à l’ennui, il trouve toujours de quoi s’occuper ou de quoi réfléchir. Je sens Glas tirer un peu sur mon bras, une très légère tension, une demande de sa part. J’observe rapidement autour de nous avant de relâcher l’étreinte de ma main. Glas se détache et s’éloigne pour aller renifler les haies aux alentours. Au fur et à mesure qu’il s’est éloigné, je laisse sa laisse se délier : Charles peut probablement relever, à la base du collier de Glas, une paire de menottes qui me sert en réalité à l’attacher à un poteau quand je dois me séparer de lui. Glas, par sa masse, a déjà réussi à briser plus d’une laisse et je n’ai pas le cœur de lui imposer un collier étrangleur. Sa violence et son agressivité m’imposent de restreindre ses mouvements quand je dois m’absenter : il a déjà attaqué quelques personnes, des plaintes ont été déposées et je ressens, instinctivement, la crainte que Charles aborde le sujet. Disons que Glas est doté d’un physique reconnaissable : un Mastiff borgne et bardé de cicatrices ne court pas toutes les rues de Charney.

Mais quand je relève les prunelles, c’est pour apercevoir son sourire. Cette étoile dans un ciel obscur, un fragment d’affection brut. J’ai toujours apprécié la simplicité de Charles qui, même du haut de son rang de Capitaine, reste un homme accessible. Soi-disant orgueilleux, mais je dois l’admettre que j’ai ma fierté, moi aussi. Et que nous sommes en droit de l’avoir. Il arrive de plus en plus souvent que l’on vante la cruauté, la méchanceté, le mépris dont font preuve certains Hommes. On les considère avec respect voire admiration alors que la base de leurs actions ne se définissent qu’en accumulation de peurs, de menaces et d’humiliations. Je refuse de leur reconnaître une « supériorité », qu’ils imposent par leur violence, leur chance, leur brutalité. Par leur force brute, par le pouvoir qu’ils ont la malchance de posséder, par la richesse qu’ils ont volée, par leur honneur Sali et bafoué. Comment peut-on même admirer un Homme capable d’en réduire un autre à néant, comment peut-on soutenir le règne de ces tyrans ? Que l’on ne me parle pas de la loi de la nature, de cette excuse dont l’on se sert pour justifier la position de ces ordures.

Charles n’a rien à voir. Il a gagné sa place par la sueur de son front. Par son travail. Par ses qualités. Car sa priorité reste d’assurer la sécurité et le respect des Lois, pas toujours justes mais qui sont nécessaires pour imposer un semblant d’ordre. Les Hommes sont en constante errance, cherchent ce qu’ils sont, qui ils sont, au point d’en oublier que nous vivons en société et que tous méritent le respect. Je suis las et agacé de voir que des Êtres corrompus réussissent « dans la vie » alors qu’ils n’ont fait que cracher au visage des autres âmes qu’ils côtoient. Charles et moi avons amplement les raisons d’être fiers de ce que nous sommes. De ce que nous avons réussi à faire, tant bien que mal, à être, malgré la pression de cette société qui cherche à nous pourrir, à nous faire agir comme la pire des vermines. Oh certes, ma « récompense » est de vivre dans la rue, de dépérir de faim, de froid quand l’hiver nous frappe, de craindre la maladie. De me faire oublier, petit à petit. Mais j’ai la chance d’avoir des liens solides, comme avec Charles. Charles à qui je soutiens finalement le regard. Car même s’il a l’allure d’un simple sportif et que moi, j’ai l’odeur des chiens et de la rue, nous restons ce que nous avons toujours été. Et je me sens soulagé de retrouver mon identité.

_ Toutes mes félicitations, Capitaine. Depuis le temps que je dis que tu mérites un poste à responsabilité… Cela te correspond parfaitement. Est-ce que tu vises plus haut ou tu te contentes de ce que tu as, pour l’instant ?

La suite de ses mots… me donne l’envie de sourire ou de m’inquiéter, à dire vrai. Tant et si bien que je n’ose pas en sourire, mais que mes sourcils se froncent légèrement et que mon regard détaille plus attentivement son visage.

_ Allons, Charles, je n’étais pas si exceptionnel que cela. Je me contentais de faire mon travail. Enfin, nous sommes vieux et nos valeurs sont de plus en plus dépassées. Mais j’imagine que tu n’as aucune difficulté à secouer tes nouvelles recrues. Au contraire, je pense que tu tires un certain plaisir à pouvoir profiter de ta nouvelle autorité pour rentrer dans les plumes de certains… Et ils doivent te donner matière à rire.

Je suis un homme assez optimiste, contrairement à ce que je puis laisser croire. Je me désole de ce que j’observe, de la déchéance des mentalités ou ne serait-ce que de l’humanité au point de me dire qu’être humain est presque une insulte… Mais au fond de moi,  j’ai toujours cet espoir naïf, innocent et enfantin, de me dire que le bon l’emportera. Que l’honneur finira par remporter la bataille contre les coups bas, que les Êtres braves comme l’est Charles s’en sortiront alors que les crapules croupiront. Je garde ces idées que la morale n’est pas qu’une leçon qu’on nous a inculqués quand nous étions enfants, qu’elle peut rester une route à suivre, une mentalité sans être totalement dépassée, inadaptée à ce monde.

_ Qu’en est-il des autres avec lesquels nous travaillions ? Tu ne vas pas me faire croire qu’ils ne font pas partie des bonnes recrues ?

A dire vrai, je ne les connaissais pas tellement. Mais je ne puis croire qu’ils avaient tous un mauvais fond. Certes, nous n’entretenions pas de bons rapports, d’une part par les propos qu’ils tenaient, d’autre part par la distance que j’imposais. Néanmoins, je ne peux les juger et les catégoriser comme de « mauvaises » personnes. Certains devaient même être de bons flics, qui faisaient correctement leur travail. Pas forcément excellents, mais qui restaient corrects. Parfois, travailler là bas me manque et je me surprends à imaginer quelques secondes comment aurait été ma vie si j’étais resté. J’imagine qu’avec Charles, nous nous serions sans cesse charriés sur le fait qu’il soit Capitaine et que je sois resté Lieutenant. Charles aurait bien eu la manière de me demander un café, faisant mine d’être un supérieur abusant clairement de son pouvoir, et je me serais contenté soit de le faire taire en quelques mots joliment tournés, ou de lui obéir à la stupeur générale. Je serais allé le rejoindre en fin de matinée pour discuter des affaires en cours, pour m’inquiéter de ses sourcils légèrement froncés ou de ses yeux dans le vague qu’il a parfois quand quelque chose le soucie. J’aurais pu l’accompagner à la salle de sport et nous aurions comparé nos performances comme deux adolescents s’amusent à comparer la taille de leur membre pour savoir qui « est le meilleur »… Bien que pour nous, cela n’aurait servi qu’à trouver une excuse pour s’encourager à toujours aller plus loin. Il aurait pu me demander la possibilité de promener les chiens de la brigade et nous aurions pu aller les entraîner ensemble, bien qu’en réalité, nous aurions probablement joué avec eux. Après tout, eux aussi avaient droit à du bon temps et seul Charles avait la sensibilité de comprendre que ces chiens n’étaient pas que des outils, mais des partenaires avec lesquels il fallait nouer des liens. Gagner leur confiance et leur amitié. Nous aurions pu nous retrouver le matin à la machine à café et je l’aurais écouté me parler de sa soirée ou encore, des problèmes de circulation le matin tout en m’endormant presque debout. J’avais le don de somnoler franchement tout en gardant les yeux ouverts, comme cette fois à mon bureau ou, aux alentours de 19 heures, ce fut Charles qui me tira de mon sommeil en claquant des doigts devant mes yeux – Neil Armstrong à la Terre, vous me répondez ? -. J’aurais aimé vivre ou revivre ces précieux moments. Mais ce sera l’occasion d’en vivre d’autres, n’est-ce pas ? Et peut-être que je pourrais faire le ménage au commissariat ? Oui, je pourrais toujours le lui demander. Il sera probablement hilare quand je lui demanderai : est-ce que tu as besoin d’un assistant personnel pour ranger ton bureau et apporter ton café ? Ou bien… atterré de voir que ma proposition sera bien sérieuse. Peut-être les deux en même temps. J’attendrai plus tard pour le lui demander, nous avons le temps.

_ Tu rentrais chez toi ?

Je désigne, d’un regard, les longues rangées de maisons, sans savoir quelle est la sienne. Nous ne nous sommes encore jamais invités chez nous. Disons qu’à l’époque, j’étais sauvage et nous passions beaucoup de temps au bureau, ensemble. Ma pudeur quant à ma vie privée a peut-être empêché Charles de me proposer, par peur de me gêner ou d’inférer dans mon intimité. En réalité, mon quotidien était seulement sans intérêt et je ne voyais pas l’intérêt d’en discuter. Bonjour, j’ai mangé un croque monsieur sans jambon car j’ai oublié de faire les courses et je me suis endormi devant la télé. Passionnant. Je n’ai jamais eu de compagnes ou de compagnons à lui présenter ou dont lui parler. Des enfants ? N’en parlons même pas. A l’époque, je n’avais que Râ et il n’avait jamais été d’une mentalité à faire des bêtises, contrairement à Dingo que je passe mon temps à corriger.


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Charles Norrington
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Mar 4 Sep - 17:48

Il haussa brièvement les épaules lorsqu'il lui demandait s'il visait plus haut encore pour la suite de sa carrière. A l'inverse de ce que tout le monde pouvait bien penser, Charles ne visait rien, il se contentait d'avancer encore et toujours. Devenir Lieutenant puis Capitaine c'était arrivé par la force des choses, parce qu'à force d'avancer on finissait bien par arriver quelque part. Peut-être qu'il finirait à la tête du commissariat ou qu'il deviendrait préfet de police, allez savoir. L'animal ne se posait pas vraiment la question.

- Je verrais bien si on me propose autre chose, répondit-il simplement. Tant qu'on me demande pas de faire du café et de ramener les p'tits gâteaux.

Suite à quoi la conversation se poursuivit. Il était vrai que Charles exagérait peut-être un peu quant aux capacités de travail de ses autres collègues. Ils n'étaient pas mauvais, certains étaient même plutôt bon. La vérité, c'était sans doute qu'il avait pris l'habitude de parfois traîner dans les pattes de Will parce que c'était le genre de personnes qui n'attendait rien et avait tellement à offrir sans s'en rendre compte. Le Capitaine de Police avait été très sensible à ça à l'époque. Il n'en avait jamais rencontré d'autre comme ça. Si, il avait croisé la route d'un français une fois, un bonhomme qui avait été capitaine au long cours pour la marine marchande. Mais quand on le voyait il ne donnait pas l'impression d'avoir eu un poste à responsabilité. Non, c'était le genre d'homme simple, accessible et sensible à la fois, qui prenait à cœur les choses quitte à parfois s'en rendre malade. Un personnage tout en couleur avec toujours milles et une histoire à raconter, tantôt drôles, tantôt improbables. Charles n'avait jamais revu cet homme par la suite, mais il était bien incapable de l'oublier tant il avait marqué son esprit. Alors Will… Will ça avait été un peu pareil à sa façon.

D'ailleurs William avait toujours été le seul que Charles appelait par son prénom, le reste du temps il appelait tout le monde Billy sans faire la moindre distinction de sexe. Ça lui donnait un air de cow-boy quand il regardait un de ses collègues avec un air sérieux, parfois un peu fou et qu'il lui disait « fais pas le con Billy » alors que l'autre se contentait de ramener plusieurs tasses de café en même temps. Après quoi il faisait volte face et partait faire autre chose, laissant le pauvre Billy en proie au doute et à l'incertitude quant à ce qu'il était entrain de faire… Oui, Charles avait toujours eu un humour un peu particulier, la faute à l'armée sans l'ombre d'un doute. D'ailleurs maintenant qu'il y pensait, il se souvenait qu'il n'avait jamais évoqué ce passé là avec William, comme il ne l'évoquait avec personne, pas même sa femme. Comme un secret qu'il gardait précieusement. Son père non plus n'en parlait jamais, peut-être déçu que son fils n'ait pas marché dans ses pas. Enfin la vie était faite ainsi.

Le Capitaine se contenta donc de sourire à la réponse de son ami, légèrement songeur quant à ses dires. L'équipe des Billy lui donnait effectivement matière à bien des blagues plus qu'à rire. Du moins il riait bien plus souvent intérieurement qu'à gorge déployée, il réservait ça pour quand il était en famille. Du reste, pour ce qui étaient de leurs collègues du temps où William y travaillait encore… C'était une autre affaire.

- Donovan et Chris ont pris la quille y a six mois maintenant, en même temps ils commençaient à prendre de l'âge, dit-il en réfléchissant. C'est leurs bonnes femmes qui doivent être contentes de les avoir à la maison.

Les deux anciens flics étaient de la vieille école, la première fois que Charles les avait rencontré, il avait cru tomber dans une faille spatio-temporel qui l'aurait ramené dans les années 20 ou 30. Ils imposaient un tel respect et possédaient ce que l'on pouvait appeler la force tranquille. Sans doute l'effet de l'imper et du chapeau. Et cette façon de parler… Deux sacrés personnages.

- Mortiz, LaSalle et Gregorio sont partis sur Los Angeles, poursuivit-il, et Bertram… Ce con est parti pour l'ATF, j'espère qu'il va pas nous faire exploser la moitié d'un quartier avec la chance qu'il a.

Charles posa son regard dans le flou, pensif. Il se rendait compte à quel point le temps filait et qu'il était impossible de le saisir à bras le corps. De nombreuses pages s'étaient tournées avec les départs successifs et les arrivées. Il avait l'impression d'être le témoin de tous ces changements. Et par un réflexe idiot et automatique, il avait envie de répliquer « et toi qu'est-ce que tu deviens ? » alors même que Will lui avait déjà dit faire des petits boulots. Heureusement que ce dernier finit par lui demander s'il rentrait chez lui. Notre homme releva la tête pour regarder autour de lui. En effet, lui et le reste de sa troupe vivait dans ce district mais il avait encore du chemin à faire pour rentrer chez lui, c'était ça de ne pas vouloir prendre la voiture.

- Oui, fin de journée déjà, dit-il. Y a que Batman qui ne dort jamais, ou alors vraiment très peu. Un peu comme Tess d'ailleurs…

Cette dernière phrase était davantage une réflexion pour lui même, se disant qu'elle faisait parfois de sacrées journées et qu'elle n'avait pas l'air d'avoir besoin de beaucoup dormir. Parfois il se demandait comment elle faisait. Rien que l'idée de dormir moins de cinq heures avait tendance à l'épuiser. Enfin, Charles se contentait de penser que chaque corps était différent et qu'elle avait trouvé le rythme qui lui convenait. Mais ça c'était en théorie, sans doute qu'en pratique c'était tout autre chose. Pas sûr cependant qu'il était la bonne heure pour réfléchir à la biologie, l'animal n'était pas équipé pour, encore moins après le sport.

- Et toi ? Petite balade nocturne avec la troupe ? Demanda Charles le plus naturellement du monde.

Oh il n'avait pas oublié, non, il n'avait pas oublié comme son ami n'avait pas l'air au mieux de sa forme. Il pouvait donner l'impression de mener une conversation des plus anodines et pourtant dans un coin de sa tête il continuait de se dire que son ancien collègue ne menait pas le train de vie d'un citoyen ordinaire. Il finirait pas le dire, de but en blanc, sans détour. Mais pour l'heure il appréciait la conversation, le plaisir retrouvé de pouvoir échanger avec Will après tout ce temps.


Dernière édition par Charles Norrington le Dim 7 Oct - 16:47, édité 2 fois
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Mer 5 Sep - 19:42
Donovan et Chris : je me souviens sans un effort de ce duo iconique, de ces hommes austères, habitués à l’économie des mots. De leurs visages marqués comme le sont des tissus froissés, si usés par ce qu’ils ont dû vivre, que leurs yeux s’étaient renfoncés loin de leurs orbites. Leurs paupières lourdes renforçaient cette impression de recul, de fuite face à une réalité, un retrait face au monde qui avançait plus vite, de plus en plus vite, jusqu’à les abandonner sur le bas chaussée. J’étais proche de ces hommes, bien qu’ils aient été ceux qui ont opposé le plus de résistance quant à ma présence. Le nom de ma mère leur était connu, bien que le nom de mon frère l’ait été encore plus. Cependant, ils ont toujours eu la décence de garder cette information loin des oreilles des indiscrets. Oh, bien entendu, ils avaient des défauts, le surnom de « sauvage » vient probablement d’eux, quand ils cherchaient vainement mon nom, jusqu’à laisser échapper cette insulte. Ils n’en avaient pas vraiment conscience, disons qu’au vu de leur ancienneté, plus grand monde ne se permettait de remettre en question leur éminence. Ce n’était pas de mauvaises personnes mais leur intelligence était plus portée sur la science du terrain et sur une expérience dépassée que la compréhension d’autrui et de ses ressentis. Mortiz, LaSalle et Gregorio formaient un trio redoutable : je garde l’image d’une femme blonde, à la poitrine généreuse au point où elle était obligée de garder son uniforme ouvert, au plus grand plaisir des pervers. Néanmoins, leur désir se calmait rapidement quand Mortiz s’armait de sa matraque et qu’elle la leur abattait sans aucune pitié dans l’entrejambe pour corriger leurs regards sordides. LaSalle n’était jamais très loin, son regard ayant le même effet qu’un revolver braqué entre les deux yeux. Et Gregorio, avec son bel accent chantant, se leur apportait un peu de détente : il était particulièrement connu pour sa manie de pousser la chansonnette dans le commissariat, quitte à faire hurler les chiens ou ses collègues. Comme il le disait si bien, ils n’ont pas le « cœur » pour comprendre la tragique beauté de ces histoires qu’il comptait ; en réalité, il s’agissait bien souvent des génériques des téléfilms regardés par sa femme. Bertram était un homme passionnant, très habile de ses mains mais maudit par le mauvais œil « depuis qu’il a arrêté une sorcière » : la machine à café appréciait cracher quelques gouttes de précieux liquide sur sa cravate neuve, son pneu crevait dans l’unique nid de poule d’une rue en bon état, sa télévision avait implosé dans son salon car les rats de son voisin avaient réussi à grignoter son alimentation…  Tous ces gens, partis. Disparus. Hors de vue.

Je n’ai pas tant prévenu de mon départ. Je n’ai pas organisé de pot, je n’ai pas laissé de mots. Je me suis contenté de partir en dernier, ce soir là. De prendre le temps de saluer chacun d’entre eux, me levant pour aller leur serrer la main. Dans un dernier signe de respect. Charles est le dernier que j’ai salué. C’est aussi sa main que j’ai gardée le plus longtemps dans la mienne, éternisant un dernier moment d’amitié, un dernier moment de complicité. Je lui ai même souri ce jour là, sans tellement écouter la blague qu’il a pu lâcher, une de ces remarques malicieuses qu’il a l’habitude de glisser. J’ai marqué dans mon visage la chaleur de son regard, la sincérité de son sourire, savouré, pendant un instant, ressentir. Ressentir tout ce que nous partagions, sans avoir besoin de le dire. Et je l’ai laissé partir. J’ai réuni mes affaires et je suis sorti. Pour ne plus jamais y revenir. Depuis le commencement de mon errance, je n’ai pas eu le cœur de retourner les voir. Par gêne, par honte, par peur. Peur de croiser l’homme qui m’a conduit à mon licenciement. Monsieur Lallemand. Inutile de préciser que Charles a dû s’amuser plus d’une fois avec son nom de famille. Monsieur Lallemand ne m’a jamais autorisé à employer son prénom. Il m’a toujours mal considéré et je dois dire que j’étais l’un des seuls dans son collimateur. Peut-être est-ce mon visage, ma manière de faire ou d’être ? Monsieur Lallemand était un homme pourtant très tolérant. A l’écoute de ceux dans le besoin, à toujours donner des heures supplémentaires ou, au contraire, à libérer ceux qui avaient une urgence à traiter. Il n’était pas très regardant. Pourtant, avec moi, les relations ont toujours été très conflictuelles. Disons que Monsieur Lallemand n’était pas toujours des plus tendres et que le jour où il a voulu donner un coup de pied à l’un des chiens pour l’écarter de son chemin, je l’ai bousculé. Nos rapports se sont très rapidement détériorés. Il prenait mes silences pour de l’insolence, mes simples sourires, pour un rire. Il ]s’était décidé à pourrir ma réputation, à m’arracher toute ma fierté, comme si m’enlever mon travail n’avait pas été suffisant, comme s’il n’y avait pas de limite à sa vengeance. Il me trouvait méprisant, m’affublait des actes ou des pensées que je n’aurais jamais eus. Et il s’en est pris à plusieurs reprises au peu de famille que j’avais. Il s’est acharné, à me pousser, toujours plus loin, jusqu’à m’acculer.

_ Tessa… Comment va-t-elle ? Et tes enfants ?

J’ai eu le temps de les connaître, avant de partir. Tessa, une femme magnifique dont le caractère s’est toujours parfaitement adapté à celui de son mari, malgré leurs différences. A dire vrai, leur couple a longtemps dégagé une harmonie apaisante et rassurante. Les voir ensemble, les voir sourire, entendre Tessa rire ou faire mine d’adresser à son mari un regard faussement agacé, toute cette complicité n’a pas tellement de mots pour être précisément retranscrite. A dire vrai, les mots peuvent même risquer de salir ce qu’ils partagent. Cette étrange magie qu’ils dégagent. Quand ils sont ensemble, la vie semble être un jeu, un jeu pas toujours facile, pas toujours heureux, mais dont ils connaissent les règles, déjouent les pièges. A leurs manières, avec leurs façons de faire, leurs astuces, leur caractère. Bien que je ne l’ai jamais fait de ma vie, je sais que leur confier le moindre problème, c’est y trouver une solution, coûte que coûte, un jour ou l’autre. Ils se démèneront toujours pour les autres et une telle bonté est devenue si rare que je ne souhaite pas en abuser. Que je souhaite la préserver, jusqu’au jour où je n’aurais plus d’autres choix que leur demander de m’aider. Et si ce jour arrive, je sais qu’ils seront présents. Qu’ils n’hésiteront même pas, qu’ils ne prendront même pas le temps d’y réfléchir, qu’ils vont peut-être discuter, entre eux j’entends, pas pour me dire qu’ils ne pourront rien faire, non, ça, ce n’est pas eux. Avec eux, j’aime à croire que tout est possible. Et ce soutien solide, cette amitié indéfectible, fait partie de ces choses qui m’aident à me donner espoir. A me donner l’envie d’essayer de m’en sortir. Si je tombe, si je m’effondre, ils seront là pour me rattraper. Ils me reprocheront probablement d’avoir attendu si longtemps, d’avoir été… trop fier, trop bête, trop tellement de choses, pour leur parler. Mettons cela sur le dos de la timidité. Par la peur de gêner. Par respect.

Ce sont ces mêmes sentiments qui m’ont empêché, le dernier jour où j’ai été appelé Lieutenant, de dire « au revoir » quand j’ai serré la main de mon meilleur ami. Quand je me suis contenté d’un « bonsoir », comme s’il me verrait le lendemain. J’ai toujours été… assez secret. Disons que la majorité de mes pensées, je les garde pour moi. Mais Charles a réussi à… me donner le courage de partager. De lui partager mon amitié. Il a su gagner ma confiance, il a su m’apprivoiser. Et quand j’ai quitté mon poste, je n’ai pas eu le courage de le saluer.
De le saluer comme j’aurais dû le faire. J’ai vu, j’ai connu tant de choses, pas des plus douces, pas des plus belles. Mais Charles et sa femme font partie des plus merveilleuses que j’ai pu rencontrer. Ce sont les pépites d’or trouvées au fond d’une rivière, ce sont ces héros du quotidien qu’on ne pense pas à remercier pour tout ce qu’ils font, car c’est ce qu’ils sont au fond d’eux. Car eux-mêmes vous regarderaient avec de grands yeux si vous le faisiez, je peux le témoigner, je l’ai déjà fait. Charles ne m’a jamais pris au sérieux – ou a fait mine, avec lui, je m’attends à tout et son côté malicieux a toujours apprécié me jouer des tours. Comme pour m’inviter à me détendre. Pour me dire, qu’avec lui, je n’ai pas besoin de me prendre la tête, de m’efforcer d’être toujours convenable, d’être toujours sur mes gardes. Qu’avec lui, je ne risque rien. Qu’avec lui, mes mots sont gardés et protégés, mis sous scellés, pas confiés à n’importe qui. Qu’il les garde, pour lui, car c’est à lui que j’ai décidé de les donner.

_ Oui… Dingo est encore très jeune, il a besoin de se défouler. Glas… A énormément d’énergie, je préfère le fatiguer et Râ a besoin de travailler ses pattes arrières. Il commence à vieillir, ses articulations le tirent un peu. Moi aussi. Enfin, l’effort ne nous fait pas de mal.

Bien qu’au vu de mon état, je n’ai pas tellement à me soucier de ma ligne, actuellement. Je n’y ai jamais tellement fait attention. Depuis tout à l’heure, je réfléchis à comment annoncer, poser la question. Comment aborder un sujet sans trop l’alerter, sans, aussitôt, susciter sa curiosité. J’imagine déjà le très léger plissement de ses yeux, comme pour me dire « tu crois que je vois pas où tu veux en venir ? » ou encore, son froncement de sourcils car j’en aurais, au contraire, trop peu dit… Mais seulement assez pour le pousser à la réflexion et à la confusion.

_ Est-ce que tu sais… ce qu’est devenu Lallemand ? C’est le seul dont tu ne m’as pas parlé.

Peut-être que Charles ne l’a jamais trop connu. Lallemand faisait partie de ces grandes têtes pensantes qui nous dirigeaient. Un de nos supérieurs, un homme qui avait de bons contacts avec tout le monde, qui se montrait chaleureux et avenant. Peut-être que Charles a une bonne vision de lui, dans ce cas, ma question ne l’inquiètera pas. Mais s’il ne l’aime pas, il se doute que moi non plus. Si Charles n’aime pas quelqu’un, il est évident que je ne pourrais pas le supporter non plus, bien que je veillerai à toujours rester correcte. Je sais que Lallemand prétendait haut et fort qu’il n’attendait que de quitter Charney. Qu’il profiterait de la moindre ouverture pour s’en aller.

Comme j’aurais voulu l’y pousser.

Le virer de son satané siège comme il m’a viré du mien. Le saisir par le collet, le secouer comme un prunier, lui cracher tout ce que j’ai sur le cœur. Le plonger dans la merde, cette merde dans laquelle je m’enfonce pour survivre, tout ça car cette saloperie n’a pas pu fermer sa gueule.

Je me reprends aussi vite que j’ai senti l’énervement, cette rage viscérale et dangereuse, monter en moi. Ce n’est pas habituel chez moi. Assez pour que j’inspire, un peu plus profondément, pour évacuer la tension. Il n’est pas bon que je m’énerve. Et d’habitude, il en faut beaucoup pour que je perde patience.

Mais Lallemand en a fait beaucoup trop.

Beaucoup trop.
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Sam 8 Sep - 20:12

Charles hocha la tête à l'affirmatif. Oui, tout ce petit monde allait bien jusqu'à preuve du contraire, les jumeaux n'étaient pas encore entrés dans la phase de l'adolescence alors pour l'heure il n'y avait pas à se plaindre. Vraiment pas. Après ça, William poursuivis en répondant à sa question.

- Ah le soucis avec les bergers allemands, c'est qu'en vieillissant c'est souvent l'arrière-train qui lâche en premier.

La dysplasie comme appelaient ça les vétérinaires. Oui, le Capitaine s'y connaissait un peu et savait que les chiens de race avaient tendance à être plus fragile qu'un bon bâtard. Il en avait eu deux dans son enfance. Le premier avait fini sa vie à seize ans après un tragique accident, mais la vieillesse avait déjà bien fait son œuvre. Il se souvenait encore de son pelage noir, de la douceur de son regard, de ce brin de foli qui faisait toujours rire et la complicité entre lui et son père. Le second était resté un chiot beaucoup plus longtemps, toujours joueur, l’œil vif. Charles se souvenait beaucoup mieux de lui parce qu'il avait passé une partie de son adolescence et le début de sa vie de jeune adulte avec lui. Un chien magnifique au physique athlétique pour un gabarit moyen et somme tout assez raisonnable pour pouvoir l'emmener partout avec soi. Sauf peut-être pour faire de l'escalade, mais personne ne prenait son chien pour faire des l'escalade. Le jour de sa mort, notre homme était dans l'armée depuis deux ans déjà et ne l'avait pas vu depuis plusieurs semaines à l'époque. Pourtant… pourtant ce jour là il avait senti quelque chose, une sensation imperceptible pour le commun des mortels, quelque chose était venu troubler la force comme dirait les Jedi. Le soir même son père l'avait appelé pour lui annoncer la nouvelle. Il avait perdu un ami, un complice et n'avait même pas pu lui dire au revoir. C'était sans doute cela qui avait été le plus dur à accepter, ne pas avoir été là pour un dernier adieu.

Un éclair de tristesse zébra le regard du Capitaine l'espace de quelques secondes avant qu'il ne se ressaisisse. C'était loin tout ça, depuis le temps il devait être entrain de gambader au paradis des chiens. Enfin, c'était la vie, les choses les plus précieuses étaient celles que l'on finissait par perdre de façon irréversible. Heureusement Will lui posa une nouvelle question à laquelle Charles mis un certain temps avant de comprendre, chassant le souvenir de son ancien compagnon à quatre pattes.

Brièvement, il aperçu quelque chose qui ressemblait à de l'agacement chez Will. Intéressant. Il ne l'avait vu que très rarement sortir de son calme apparent. Sitôt Charlie arqua un sourcil. Son interlocuteur prit une profonde inspiration et ça non plus le Capitaine ne manqua pas de l'entendre.

- Lallemand ? Répéta-t-il pour lui même, le temps de se remettre son visage. Ah oui… Oh tu sais, je parle rarement des gens qui m'indiffèrent, ce serait leur accorder trop d'importance. En tout cas j'ai jamais compris ce que les autres lui trouvaient… A part être un gros con arrogant. M'enfin, de ce que je sais, il avance dans son coin maintenant, il joue plutôt les grattes-papiers que les flics de terrain. Après j'peux dire de la merde, mais j'écoute toujours les bruits de couloirs.

C'était sans doute un des supérieurs qu'il arrivait le moins à remettre, ses yeux et son cerveau avaient grande peine à imprimer son visage en mémoire. Dans ces cas là cela ne voulait dire qu'une seul chose, que notre homme ne pouvait pas le voir en peinture. Pour ne pas le croiser souvent, depuis qu'il était devenu Capitaine, il ne lui laissait qu'une vague impression… Une sensation difficile à définir, une de celle qui vous faisait dire que cette personne n'était pas intéressante. Par la force de l'habitude, Charles l'avait cerné assez vite et derrière cette façade avenante, il avait trouvé un homme sans grand intérêt, cherchant un peu trop à captiver l'attention, à montrer qu'il était le meilleur. Il y avait eu un type comme ça dans l'unité de Charlie, il avait toujours chercher à jouer les chefs et ils s'étaient rapidement retrouvé en compétition pour être le meilleur leader. Tout du moins, il s'était mis en compétition tout seul parce que Charles n'était pas rentré dans son jeu. Autant dire que les choses avaient plutôt mal fini, il était seulement parvenu à se mettre toute son unité à dos. Voilà tout ce que lui inspirait Lallemand, pas grand-chose. C'était physique, un ressenti instinctif qui lui donnait envie de l'éviter et de n'avoir aucun échange verbale avec lui.

Charles n'avait donc aucun scrupule à le traiter de gros con arrogant. L'avantage avec lui, c'était que les insultes sortaient toutes seules. Encore qu'il avait été relativement soft. Dommage parce qu'il avait tout un champ lexical de la vulgarité à exploiter. Ses instructeurs y étaient pour beaucoup, chaque jour il les remerciait pour lui avoir inculqué un tel savoir. Parfois il lui arrivait même de jurer en allemand, en espagnol ou en français, ce qui avait toujours un petit côté très exotique. Il savait aussi dire la phrase « Bonjour madame, vous avez de jolies fesses aujourd'hui » en français, mais il n'avait jamais réussi à savoir ce que ça voulait dire. Sans doute insultait-il des gens quand il la disait, pour l'heure personne ne lui avait coller son poing dans la figure, c'était plutôt bon signe. Enfin, tout était relatif, peut-être que les autres non plus ne la comprenaient pas, dans tous les cas c'était toujours très amusant de parler dans une autre langue. Il regrettait de ne pas avoir persévéré davantage après le lycée.

Le Capitaine venait de se rendre compte que son esprit était encore parti à divaguer, il était incorrigible. Mais de toute façon il n'y avait que lui pour le savoir, et puis il était fatigué, il avait bien le droit de partir ça et là dans sa tête. Au moins il ne disait pas d'ânerie. Il en oubliait presque le regard agacé de Will à propos de l'autre. Ce dernier n'était pas prompte à haïr ou détester quiconque, c'était sans doute le signe que lui non plus ne portait pas cet homme dans son cœur. C'était compréhensible.


Dernière édition par Charles Norrington le Dim 7 Oct - 16:46, édité 1 fois
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Lun 17 Sep - 8:50
Un simple hochement de tête appuie songeusement les paroles de mon ami. Lallemand est un carnassier : ambitieux, il s’est toujours battu pour en avoir plus, toujours plus, éternel insatisfait. Semblable à lac empli d’eau, jusqu’à en déborder et noyer ceux qui l’entourent – bien qu’il lui arrive d’apporter de l’eau, de l’aide, à ceux qu’il apprécie. Comme tout le monde, j’imagine, bien que sa différence eut été de s’en prendre à des gens au hasard, sous prétexte qu’il « ne les sent pas ». Malheureusement, j’ai quelque peu alimenté ses méfiances à mon égard. Pas par jeu, quoi que, bien qu’à mon avis, c’eut été davantage de la négligence, une forme d’ignorance bien plus périlleuse que celle exercée par Charles car elle menace plus encore l’égo de la personne ciblée. Au final, j’imagine que le commencement de nos tensions a été de la simple incompréhension, un abcès qui a pris de l’ampleur et que nous n’avons jamais crevé, par fierté, mais aussi, parce que nous ignorons tout deux ce qui a pu nous énerver chez l’autre. Nous aurions pu nous contenter d’énumérer des faits, alors qu’au final, nos âmes n’étaient simplement pas faites de matières aptes à se côtoyer, telle l’eau et l’huile dont les essences restent foncièrement incompatibles.

Je surprends le regard ailleurs de Charles. Un sourire attendri éclaire mon visage fatigué. Je reconnais ce regard. J’apprécie le voir se perdre dans ses pensées, souvent plus profondes qu’on ne pourrait le croire, bien qu’il arrive très souvent que des questions ou des remarques disons peu orthodoxes finissent par germer de ce terreau fertile. Je me souviens de quelques interrogations qu’il a pu soulever, de façon si naturelle et spontanée alors qu’elles semblaient sans logique ou sans intérêt, que j’en étais resté comme imbécile, à le regarder avec de grands yeux. Avant de me sentir presque aussi stupide de ne pas y avoir pensé. Quelques exemples ? Oh il y a le grand classique du « est ce qu’un pingouin a des genoux ? ». Ces questions qui peuvent vous faire voir le monde totalement différemment, qui finissent par vous occuper comme une chanson dont on n’arrive pas à se débarrasser, auxquelles on veut répondre parce qu’il reste toujours insupportable  de rester sans savoir. Comme ces histoires jamais terminées, ces enquêtes, rares, qu’on ne peut élucider. Ces quelques coupables qu’on ne peut pas arrêter.

Charles, malgré son humour et ce besoin de ne jamais rien prendre au sérieux, était un homme sensible, assez pour sentir les personnalités alentour et s’y adapter. Il n’y avait rien à redire de son travail, je me souviens du peu d’enquêtes que nous avons menées ensemble et où Charles soutenait mes silences, où son esprit fin était parfois aussi acéré que le flair de Râ. J’avais beaucoup de respect pour ce qu’il était capable de faire et ces années passées n’ont probablement rien changé à ses talents. Il n’est peut-être pas un génie, mais tant mieux, car ses plus grandes qualités sont celles de son cœur et pas une intelligence froide, glacée, détachée de toutes émotions. Je le vois bien avec les chiens – avec les autres humains, aussi. Ma main caresse songeusement la nuque de Glas qui pousse un profond soupir. Râ reste près de nous alors que Dingo est allé chercher dans les buissons un bâton qu’il me rapporte en remuant la queue. Lila baille, restant assise à quelques mètres : mademoiselle n’aime que la compagnie féminine et je me retiens presque de pouffer en la voyant, le museau levé, les yeux mi clos, à nous observer comme une vieille femme du haut de son balcon.

Les parcourir du regard me donnent un peu de courage et m’aident à réfléchir. Les bruits de couloir, hm. Charles a probablement entendu parler des raisons de mon licenciement, s’il s’y est intéressé néanmoins. Un peu trop de raisons, pour un seul homme : violences envers un supérieur et actes d’insubordination, dissimulation de preuves, omissions d’informations… Je ne me souviens plus même de toute la liste, que Lallemand a soigneusement énumérée, en enjolivant chaque délit de détails bien appétissants pour les vautours qui ont pris la décision de m’écarter. Par mon silence, je suis incapable de me défendre. En réalité, je ne suis pas un homme tellement à l’aise dans les interactions sociales et plus encore quand il s’agit d’assurer ma défense face à une agression verbale ou une accusation. Mes lèvres se scellent, ne libèrent plus un mot, renferment nerveusement ce que je ressens, en une ultime protection. Un silence qui, depuis quelques années, a eu davantage tendance à m’enfoncer qu’à réellement m’aider. Car le silence anime l’imagination, car le silence provoque bien des méfiances et des réticences. Parce qu’on y a lu une culpabilité à laquelle je n’ai pas même pensé. Si j’avais parlé ce jour là, serais-je encore au commissariat ? Serais je en train de marcher aux côtés de Charles, ce soir, non pas pour rejoindre la rue, mais pour aller chez lui, saluer sa femme, boire un café en leur compagnie ? Si j’avais parlé, la justice m’aurait-elle entendu ou serait-elle restée sourde, aveugle comme elle l’a été alors que je n’ai pu que serrer les poings et la fixer. Dans le vain espoir qu’elle sente, dans ma posture droite, dans mon regard fier, que les crimes dont m’accusait Lallemand ne me correspondaient pas, qu’ils ne pouvaient pas convenir à un homme comme moi ?

Le monde peut-être refait avec des « si » et des possibilités, y penser est inutile, cela prend seulement du temps, de l’énergie. Cela fait seulement du mal de voir qu’une autre réalité est parfois si facilement accessible, qu’il suffit d’un « si » pour que tout change.

_ Comment vont tes enfants ? Est-ce qu’ils arrivent à profiter un peu de toi malgré ton nouveau rang ? J’imagine que les journées sont longues pour un Capitaine à Charney.

Une de ces villes qui ne dort jamais. La lumière du soleil ou celle des lampadaires veille à ce que le crime ne s’endorme jamais. Il ne se passe pas une nuit sans qu’il n’y ait plusieurs appels, il ne se passe pas un jour sans qu’il n’y ait des arrestations, du sang, le nôtre, le leur ou celui d’innocents. Être dans la rue m’a poussé à me plonger pleinement dans cet enfer où les âmes déchues se déchirent entre elles, s’abattent sur toutes les victimes potentielles, à la recherche d’un peu de violence pour se satisfaire. Certains ne demandent « que de l’argent », que de la « chair », que de la « boisson » ou de la « nourriture », des besoins presque primaire, viscéraux, qui nous font nous conduire pire que des animaux. Parce qu’ils ont l’impression qu’ils n’ont pas besoin d’autre chose, ils ne cherchent que la satisfaction immédiate, tels des enfants qui, du haut de leur 5 ans, n’ont pas l’inhibition nécessaire pour refuser un bonbon qu’on pose devant eux… bien qu’on leur assure que s’ils n’y touchent pas, ils auront deux bonbons plus tard. Beaucoup d’adultes ne possèdent pas cette maturité, cette capacité à se retenir, à attendre, plutôt que s’emparer et prendre de tout ce qui s’offre devant eux. Cela s’adresse au déchet qui va porter sa main aux fesses d’une femme contre son gré, dans un geste d’humiliation et de désir incontrôlés, dans une pulsion bestiale. Cela s’adresse au type qui arrache le sac d’une vieille femme, pour n’en récupérer qu’une poignée d’argent, préférant, comme les prédateurs, s’en prendre aux plus faibles bien qu’il n’en tire qu’une maigre récompense. Ou encore, à la femme vicieuse qui charme un homme pour le bonheur de lui briser le cœur après lui avoir arraché tout ce qu’elle voulait. L’homme est pire qu’un animal, car son intelligence ne lui sert parfois qu’à causer le mal.
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Dim 7 Oct - 17:20

- Le plus long c'est pas vraiment la journée, répondit Charles, c'est de virer ceux qui ne veulent pas rentrer chez eux pas excès de zèle.

Il fallait parfois se battre pour que les derniers encore enchaînés à le bureau daignent enfin quitter les lieux. Quitte à leur botter les fesses et les menacer en leur disant qu'ils avaient encore des jours de congés à prendre. Le Capitaine avait d'ailleurs déjà forcé certains de ses collègues à prendre des jours de repos, dans ces moments là, il leur était même interdit de passer la tête à l'accueil du commissariat. Un chef devait être dur mais juste. Moins on avait de repos et plus on passait à côté d'un détail qui pouvait faire toute la différence dans une enquête.

Heureusement qu'il n'en était encore jamais arrivé aux mains avec un de ses jeunes lieutenants. Ils avaient envie de montrer de quoi ils étaient capables et cela les menait plus souvent à l'erreur qu'à la réussite.

- Mais oui, avec l'âge les enfants vont se coucher plus tard et n'ont pas besoin qu'on leur raconte des histoires, poursuivit le capitaine, ce qui est dommage parce que je n'ai pas encore écoulé mon stock d'histoire pour dormir. Je devrais peut-être les essayer sur mon équipe, au moins pour leur faire faire une sieste de temps en temps.

Il s'imaginait déjà faire la lecture à des adultes entre trente et quarante ans pour leur raconter comment le vilain petit canard avait fini par retrouver sa famille. Une histoire émouvante avec une fin qui finissait bien. Non vraiment, il n'y avait rien à redire sur le scénario ! Décidément, il ne pouvait pas s'empêcher de détourner la conversation pour raconter des âneries… Son esprit flânait beaucoup trop ce soir, comme tous les soirs à dire vrai, il n'était pas bon à tenir une conversation censée. Tant pis, William avait l'avantage de le connaître.

- Bon et toi… tu vas me dire la vérité ou pas ? Finit par demander Charles pour qui il n'était plus vraiment temps de tourner autour du pot.

Ça lui avait pris comme une envie de pisser, parce qu'il n'avait plus envie de faire mine de ne pas comprendre. Il fallait être con ou aveugle pour ne pas voir. Jusqu'à présent Charles avait joué le jeu, mais la fatigue lui soufflait à présent qu'il n'était plus temps pour ça. Il arborait un regard plus dur, comme pour signifier à son ancien collègue qu'il ne voulait pas qu'il tente de lui échapper ou de lui raconter des histoires. Il faisait cet air sévère lorsqu'il n'avait pas l'intention de jouer les gentils flics, qu'on ne pouvait pas le berner. Oh bien sûr il ne voulait pas que Will pense qu'il avait l'intention de le coffrer, de lui soutirer des aveux ou des choses de ce genre. Non, d'homme à homme, il voulait entendre la vérité, ne rien cacher, ne rien omettre. Parce qu'il avait grande peine à voir son ami ainsi, guettant déjà dans ses yeux l'ombre d'un quelconque microbe qui souhaiterait mettre sa santé à mal.

- Fais pas le con avec moi, acheva-t-il d'ajouter avant que son interlocuteur ait le temps de répondre quoi que ce soit.

Fais pas le con Willy… Fais pas le con.
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Mar 9 Oct - 21:24
Oh, sans Charles, probablement aurais-je fait de l’excès de zèle. J’avais tendance à m’éterniser plus que nécessaire à mon bureau, bien qu’en réalité, je passais plus de temps avec les chiens avant de m’en retourner à ma caravane déserte, puis mon appartement. Jusqu’au jour où j’ai décidé d’emmener Râ avec moi. Charles l’a probablement remarqué, mais il n’en a jamais parlé. Après tout, lui et moi étions des partenaires et la séparation m’était devenue de plus en plus difficile. Je m’étais habitué… Et attaché à Râ. Je me souviendrai toujours de ce jour où je l’ai conduit à mon appartement pour la première fois. Je lui avais préparé un panier, mais il préférait dormir au pied de mon lit. Il m’était alors plus facile de quitter mon bureau, pour aller courir avec Râ, ou pour simplement rentrer chez moi. Je ne me sentais plus seul et ce détail sans importance était pourtant une grande différence pour moi. A ce souvenir, ma main longe tendrement la tête de Râ, qui se repose, en réponse, contre ma cuisse. Je lui offre un sourire et Râ remue simplement la queue en levant vers moi ses prunelles d’or fatiguées.

Les mots de Charles me font sourire. Depuis que nous avons commencé à discuter, je me sens plus léger, soulagé sans pouvoir me l’expliquer. Heureux de l’avoir retrouvé et de discuter comme si rien n’était. J’ai toujours apprécié l’écouter parler. J’aime me laisser porter par ses histoires farfelues, plus osées, plus pensées. Elles ne sont que le reflet de ses capacités, d’une imagination vive et maligne, d’un esprit habile et agile. Elles parviennent à mettre en mouvement mon esprit si cartésien, me faire voir des scènes qui m’arrachent un sourire amusé. Je crois que je ne serais pas même surpris de le voir ramener un livre pour enfant au commissariat. Avec son air sérieux, le balancer sur le bureau d’un des jeunes lieutenants en manque évident de sommeil, pour lui cracher un « j’te lis une histoire Billy ? » ou toute autre phrase de ce genre… Il serait probablement ravi de son effet. Bien qu’il vieillisse, Charles garde en lui cette part d’enfance innocemment impudente. Je n’ose pas imaginer quand il rejoint sa petite famille et qu’il se décide à jouer avec ses enfants, bien qu’un caractère comme celui de Tessa soit habitué à gérer celui de Charles. Pour ma part, je sais que j’aurais clairement manqué d’autorité ou de fermeté… J’aurais été bien trop heureux de le voir faire et plus encore après une journée de travail d’où j’en serais sorti épuisé. Je pense parfois à une vie de famille, autre qu’avec ma meute j’entends : une femme ou un homme, des enfants. J’ai toujours été assez ouvert sur la question, tant que mon partenaire est majeur, consentant… Et vivant. Le détail est important, disons que sur l’une de mes affaires, nous avons eu quelques problèmes suite à un médecin légiste dont l’attirance pour les cadavres n’était pas seulement professionnel. Je me souviendrai toujours de la tête de Charles quand je le lui ai raconté quand nous buvions notre premier café du matin.

Le ton de Charles change. A dire vrai, c’est ce que je remarque avant même de comprendre le sens de ses mots. Je reconnais ce ton, pour l’avoir entendu l’employer avec des ordures, des malfrats, ou quand ses soupçons se portaient sur un suspect dont la culpabilité n’avait pas été attestée. Il appuie chaque syllabe, sans pour autant les détacher, non, son langage reste fluide mais ferme, comme lorsque je saisis Dingo par la nuque pour l’empêcher de se jeter sous une voiture. Ses yeux sont durs, autoritaires, et je ressens l’espace de quelques secondes toute son aura de capitaine. Qu’il me rappelle par cette phrase, cette phrase qu’il n’adresse en temps normal qu’aux bleus du métier. Ce n’est pas un hasard, s’il me l’adresse. Je n’ai jamais été un bon menteur, je préfère l’omission et il ne le sait que trop bien – bien que mon défaut soit de faire preuve d’omission même quand je n’ai rien à dissimuler. Il ne m’est guère aisé de me livrer, d’accepter offrir ma vie, mes pensées. Pas par manque de confiance, non, pas avec Charles. Mais avec lui, disons que je ne souhaite pas l’ennuyer. Il a sa vie, de nouvelles responsabilités. Il n’a pas à m’aider. Il n’a pas à se déranger. Alors en un premier temps, j’ai souri, avec amusement, face à sa remarque. Un simple mais rare sourire, sans chaleur, bien qu’une douce lueur amusée étincelle quelques secondes au fond de mes prunelles. Ne pas faire le con ? Comme si j’étais l’un de ces gamins qu’il devait corriger. Mais peut-être n’a-t-il pas tort… Et à nos âges, j’imagine que nos rapports sont bien différents, ce n’est plus une question de maturité ou d’autorité. Cette fois-ci, peut-être puis-je me permettre de croire qu’il s’agit seulement d’amitié. D’une inquiétude à mon égard, d’une volonté de savoir.

Je me suis toujours considéré sans intérêt. Dans ma tête, les pensées s’enchaînent, parfois sans objectifs, sans réels buts visés, elles se contentent de ressasser, telles les vagues de l’océan. Et ce ressac m’a toujours aidé à m’apaiser. D’un point de vue extérieur, il n’est pas particulièrement passionnant de m’entendre déblatérer – bien qu’il ne m’ait jamais réellement arrivé de tenir des monologues, je ne me contente que de quelques phrases qui doivent être trop vides pur susciter l’attention de mon interlocuteur. Je n’ai pas le charisme de Charles, je n’ai pas cet humour qui accroche, je ne sais pas toucher là où il faut. Lors des interrogatoires, par exemple, ma tactique était très différente de la sienne. J’étais du type silencieux, celui qui boit son café, qui pose une question et qui attend. Qui fait pression avec le regard, avec la tension, qui travaille à l’usure. Charles désarçonne. Il sait renverser le cours des pensées, par une phrase bien placée, comme un croche-pied. Au point où moi-même, je me sens perdu quant à la réponse que je dois lui donner : mon sourire s’évanouit, mes yeux restent plongés dans les siens mais trahissent, un instant, mon trouble, mon malaise, puis ma gêne, comme un élan de pudeur.

Je suis un homme très discret sur ses sentiments, sur ce qu’il pense et ressent. Charles est bien l’un des seuls à avoir su m’arracher la vérité et peut-être qu’il a découvert en moi des qualités sociales que je ne me soupçonne pas, assez pour s’intéresser encore à moi. Assez pour vouloir prendre le couteau et forcer l’huître à ouvrir sa carapace et lui dévoiler ses chairs fragiles. Pour moi, le sujet que nous abordons est particulièrement compliqué, cela se sent par mon silence, pas l’habituel, celui où j’écoute et n’en pense pas moins, non, là, c’est celui où j’ai trop de choses à dire, à justifier, mais où rien ne sort, où je me dois de filtrer.

_ Je ne t’ai pas menti.

Le mensonge ne me correspond pas. Je ne mens jamais, bien que je ne dise peut-être pas toute la vérité, ou que je l’améliore un peu pour qu’elle soit plus difficile à supporter. Comme dire à un parent que son enfant n’a pas souffert, prétendre que l’amant.e s’est endormi.e dans son sommeil, qu’iel n’a pas eu conscience de ce qui lui arrivait. Ce ne sont pas de vrais mensonges, simplement une légère modification de la réalité, pour qu’elle soit plus facile à accepter. Comme dire que je fais de petits boulots, oui, cela m’arrive, bien que cela ne me suffise plus pour me payer un loyer. Je baisse les yeux quand je sens mon cœur se tordre dans sa cage thoracique, quand je sens ma fierté qui souffre, qui se tord, dans tous les sens, jusqu’à presque m’empêcher de respirer.

_ Actuellement, je suis à la rue.

J’ai lâché l’information, comme Dingo lâche péniblement l’os que je l’empêche de ronger. C’est douloureux. Pour moi, c’est humiliant, ce n’était pas nécessaire, au contraire, cela va nous apporter des ennuis. J’aurais dû me taire, comme je le fais d’habitude, garder pour moi cette information, comme lors des enquêtes difficiles où je fuyais toutes les compagnies, où je m’isolais avec les chiens, pour ne pas avoir à parler, pour ne pas avoir à livrer. Mais Charles est mon ami. Il m’a demandé la vérité, alors je la lui ai donnée, aussi difficile qu’il soit de l’avouer. Mes yeux se relèvent vers les siens, je ne souris plus, au contraire, une certaine tension au coin de ma mâchoire démontre que, pour moi, ce sujet est important, encore sensible malgré tout ce temps. J’ai l’envie de m’excuser, de lui dire d’oublier, mais avec Charles, je sais que ces frivolités, elles ne le toucheront pas, elles ne changeront rien. Il sait, maintenant. Il sait la vérité.

_ Mais ne t’inquiète pas pour moi. Je me débrouille. Pour l’instant, je m’en sors même plutôt bien.

Et voilà que j’ai besoin de le rassurer, de me réconforter par la même occasion. D’assurer que je contrôle la situation, bien qu’en réalité, ce ne soit pas tellement le cas, depuis 6 ou 7 ans, depuis mon renvoi…C’est douloureux, de reconnaître que je n’ai plus rien, que je ne suis plus rien, que je ne vaux plus rien. Ma plus grande peur s’est réalisée. J’ai 50 ans cette année. Et j’ai passé presque 10 ans dans la rue. Et il me reste bien moins de temps à vivre. Il suffit d’une maladie, de coups plus violents que d’autres. Né de la poussière, redeviendra poussière, né de la misère, mourra dans la misère. Je n’ai pas échappé au destin. Et j’ai honte de me montrer sous ce jour, à Charles qui plus est. Le seul qui m’a vu autrement que comme un sauvage, qui m’a offert de la valeurs, qui a su respecter ma dignité. Et hm… disons que j’ai ma fierté.
Charles Norrington
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Mer 10 Oct - 11:03

Il était terrible de voir comme un passage dans l'armée pouvait laisser des traces sur un être humain.  Alors même qui avait laissé tomber la conversation anodine que les deux hommes avaient instauré, Charles avait pris une posture plus rigide, plus martiale. Une de celle que l'on apprenait aux soldats à prendre dès les premiers mois de leur formation. Se tenir droit, le regard franc, la tête haute. Sans doute aurait-il eu une carrière brillante sans forcément obtenir les même grades que son père et l'uniforme lui aurait été à ravir, mais il avait choisi la police. De ce bref passé militaire dont il n'avait jamais vraiment parlé, l'homme, le capitaine en avait retiré bien des apprentissages dont il se servait aujourd'hui encore pour garder la main sur ses collègues de travail. Il était de ceux qui savaient faire la part des choses, tantôt jovial, tantôt ferme. Dans le cas présent, il avait bien pris le temps de détendre l'atmosphère, prendre des nouvelles. Maintenant il fallait parler sans détour. Charles avait déjà été confronté à des situations où lui même aurait préféré se murer dans le silence. Hélas, il ne savait que trop bien à quel point le pouvoir de la parole n'était pas négligeable.

L'homme avait observer son interlocuteur, son visage passer du sourire à un certain état de malaise. Il ne fallait pas plier et garder la même posture, la même détermination. Il fallait être inflexible pour ne pas laisser à l'autre la possibilité d'esquiver la moindre réponse. Quand bien même il s'agissait d'un de ses anciens collègues et amis, il était parfois d'autant plus difficile de parler. Charles comptait bien lui faire dire les choses, même si pour ça il devait lui tirer les vers du nez. Il voyait bien dans le regard William qu'il venait de tacler son esprit sans prévenir, comme le forcer à un salto à un moment inopportun alors qu'il marchait sur l'arrête escarpée d'une montagne aux Philippines. Une acrobatie difficile, périlleuse.

Là, il l'écouta répondre. Oui, le mensonge n'était pas l'ami fidèle dont Will s'était entiché avec les années. Ils étaient même ennemis. Charles savait aussi qu'à défaut de mentir ou dire la vérité, son ancien collègue préférait parfois le silence. Une façon de se protéger. Mais le silence n'était pas toujours un allié à long terme, il était même parfois plus problématique que le mensonge. Car avec le silence venait parfois la tourmente, le désespoir de ne plus être entendu. Alors le capitaine voulait l'entendre, le faire quitter ce confort factice que lui offrait ce faux ami. Ainsi la suite ne tarda pas à arriver… Il était à la rue. William était à la rue. Ce n'était que la confirmation de l'idée qui avait murmuré à l'oreille de Charles que quelque chose n'allait pas. Il n'y eu aucun surprise dans son regard, pas l'ombre d'une réaction sur son visage. Il l'avait compris mais il avait voulu l'entendre de la bouche de son ami. Peut-être eut-il le cœur serré l'espace de quelques secondes, mais l'âme d'enquêteur avait pris le pas sur celle de l'homme qu'il était. Les traces indélébiles du soldat qu'il avait été ne cessaient de le poursuivre, car jamais il ne faillirait face à l'adversité, même si elle pouvait être difficile à affronter. Charles faisait bloc, il n'était pas temps de se laisser glisser dans les sentiments négatifs qui obscurcissaient le jugement.

- Pour l'instant, répliqua l'homme, loin d'être convaincu par les dires de son ami. T'as avalé quelque chose aujourd'hui ?

L'animal était déjà entrain de prendre les rênes des opérations, il était déjà entrain d'établir les directives dans son esprit. Charles était bien décidé à s'embarquer dans cette histoire sans même réfléchir à savoir s'il était bon de le faire ou non. A dire vrai, entre soldats, il n'était pas toujours questions de réfléchir, il fallait avant tout agir au mieux pour le bien de tous. Ce soir il comptait bien agir pour le bien de William et de sa petite bande de chiens punks. Ce soir il était prêt à prendre des responsabilité alors même qu'on ne lui avait rien demandé. Il l'avait déjà fait par le passé. La première fois c'était avec un chaton. Une petite créature d'à peine 2 ou 3 semaines qui s'était retrouvée à errer dans la rue, miaulant de toute la force de ses petits poumons pour qu'on vienne le chercher. Mais sa mère était absente, peut-être même l'avait-elle abandonné. Alors, Charles l'avait recueillit et s'en était occupé, il avait endossé la responsabilité de père alors qu'il avait à peine 15 ans. S'il était capable de faire ça pour un chat, il était capable de tout pour un être humain.


Dernière édition par Charles Norrington le Jeu 25 Oct - 19:27, édité 2 fois
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Ven 19 Oct - 8:31
Charles est figé. Le visage inexpressif. Lui si détendu à son arrivée, je perçois la tension de ses muscles, la rigueur de son ton. Les chiens aussi, y sont sensibles. Lila s’est simplement assise et Dingo semble comprendre qu’il ne doit plus faire un pas de travers, il revient docilement vers moi. Râ reste inchangé : il sent mon calme et ne considère pas Charles réellement dangereux. Plus attentif, Glas se tend. Par son passé, il est sensible à la fermeté, qu’il lui est difficile de distinguer d’un sentiment de danger. Mais je caresse tendrement le sommet de son crâne et Glas relâche ses muscles, tourne son œil vers moi, comme pour vérifier que je n’ai pas besoin d’aide. Ma main, en réponse, continue de parcourir paisiblement son pelage et l’animal finit par se détendre pour de bon.

Charles est un roc. Un roc, bien campé dans le sol et pas prêt d’en bouger. C’est toujours ainsi que je l’ai vu affronter la vie : avec souplesse, mais quand cela est nécessaire, une fermeté implacable. Une volonté inflexible, avançant par objectifs qu’il se détermine, pour ne pas se laisser distraire et attendre son but le plus efficacement possible. Il est comme cet arbre bien déterminé à pousser malgré le vent qui tente de le chasser. Il est cet homme qui arrive à m’approcher et à me convaincre de me laisser aider, sans qu’il n’y ait eu besoin d’une discussion, d’une déblatération qui aurait pu, sans le vouloir, me pousser à l’humiliation. Non, Charles n’a pas cette manière qu’ont eu d’autres par le passé, qui m’ont rabaissé, il n’a pas cherché à fuir la réalité. Il y fait face, sans me juger. Dans les yeux de certains, je lis toute l’ironie du destin : moi né dans la rue, voilà que j’y retourne, malgré tout le combat que j’ai mené. Des collègues s’en amusent, y voient un semblant de justice, de cause à effet. Un « retour aux sources », m’a dit l’un d’eux en patrouille, sans grande méchanceté, pensant que j’allais retourner à la caravane que ma mère m’avait légué à son décès. Je me suis contenté d’en sourire.

Avec Charles, il n’y a pas cette forme de mépris.

Il a toujours fait preuve de cette bonté d’âme, bien cachée sous un masque jovial, de blagues qui dissimulent le sérieux dont il est capable. Son sens des responsabilités, sa maturité, trop grande peut-être pour ce monde qui veut rester sourd face aux questions que l’on se poser… Ou aux reproches qu’on peut lui faire. Son humour est une arme mais aussi, une protection contre la sottise de cette réalité ou contre la bêtise de l’humanité. Et il a cette générosité, ce respect que j’ai toujours admiré, quand il est venu me parler ou encore, quand je le vois se diriger auprès des victimes à qui il parvient toujours à arracher un sourire. Je me souviens d’une perquisition particulièrement violente, où, malheureusement, deux enfants avaient été témoins. Charles s’est chargé de les occuper quelques temps, pendant l’interrogatoire des parents.
Parfois, j’aimerai réussir à le remercier convenablement pour tout ce qu’il a pu m’apporter. J’aimerai trouver les mots pour lui exprimer ma gratitude, mon respect, mais je ne sais pas même si cela lui plairait. Parfois, j’ai l’impression que simplement aller mieux, c’est le meilleur remerciement qu’on puisse lui faire. Après tout, Charles n’est pas tellement à agir pour obtenir une récompense ou de la reconnaissance. Il fait ce qui lui semble juste et nécessaire, pas plus, pas moins. Malgré tout, quand j’aurais un peu d’argent, je lui achèterai une boîte de chocolats que je laisserai dans son casier. Il sera content de la partager – ou de garder tout pour lui en narguant les autres. L’idée m’amuse et je la range dans un coin de ma tête.

_ Les chiens, oui. J’allais chercher pour moi…


Maintenant, je n’ai plus tellement de raisons de lui mentir. Une fois l’abcès crevé, je fais l’effort de ne plus rien dissimuler. Je sais que ce n’est pas  tout le monde qui aurait fait l’effort de m’arracher la vérité et aussi douloureuse soit-elle… la confier est déjà… un allègement du poids que j’aie sur le dos. La réaction de Charles y joue beaucoup. S’il s’était apitoyé ou révolté, j’en aurais été gêné. Les sentiments sont parfois intimidants pour moi. Et le fait qu’il veuille d’abord agir, comme à son habitude, me permet de retrouver quelques repères familiers, de me mettre plus à mon aise. Etonnamment, il m’est bien plus facile de nourrir mes différents chiens que moi. Les boucheries de la ville ne savent que faire de la viande passée de date… Pour les chiens, ce n’est pas gênant. Pourquoi faut-il que l’Homme soit de nature si fragile ?
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Jeu 25 Oct - 20:05

Quelque chose venait alors de tomber, le voile opaque d'une société d'apparence. Il n'y avait à présent rien de plus sincère, de plus authentique que cette conversation. Ils n'étaient plus liés aux conventions sociales qui invitait à feindre de ne pas voir la misère, de ne pas voir que l'autre va mal. Qui avait dit qu'aller mal était une mauvaise chose ? Il fallait croire que la course au bonheur avait aveugler les Hommes au moins qu'ils s'inventaient un bonheur factice à montrer à la face des autres alors que dans le fond… Peu de monde pouvait se venter de connaître le vrai bonheur, aussi subjectif pouvait-il être. Mais tout ça… Tout ça n'existait pas entre Charles et William, pas plus que le mensonge et la dissimulation. On ne dupait pas aisément le Capitaine ou alors seulement lorsqu'il l'avait décidé.

- C'est moi qui t'invite ! Dit Charles en fourrant à nouveau les mains dans les poches de sa veste de sport. C'est non-négociable.

Cela avait l'avantage d'être clair. Il avait envie de le faire, pas par pitié ou charité. Non, il avait envie de le faire comme on payait un coup à boire ou un repas à un ami. De toute façon Charles n'était déjà pas le genre de type qui donnait pour les associations caritatives… Seulement les refuges pour animaux, mais il avait ses raisons, des raisons que tout le monde ne pouvait pas comprendre. L'animal était tout en paradoxe, aussi n'était-il pas nécessaire de tous les explorer. Un peu de mystère ne faisait pas de mal après tout.

Charles fit volte face, déjà prêt à prendre a direction d'un foodtruck dans le coin, il en avait repéré un sur le chemin qu'il empruntait lorsqu'il allait à la salle de sport. C'était l'occasion de goûter ce qui s'y préparait, puisqu'à chaque fois il avait une faim de loup lorsqu'il passait devant. Hélas… Avec une vie de famille on ne pouvait plus vraiment se permettre de manger n'importe comment. Néanmoins, ce soir il se devait bien de faire une exception pour son ami. Et puis vue l'heure, ses enfants devaient déjà avoir mangé.

- J'espère que t'as faim, j'crois que je pourrais dévorer un bœuf entier, poursuivit l'animal.

Bon peut-être pas un bœuf entier, mais au moins un bon steak s'ils faisaient des burgers, ou un poulet. Un poulet c'était bien aussi, meilleure pour la digestion s'il ne voulait pas s'endormir aux alentours de 2h ou 3h du matin en sachant qu'il devrait se lever peut de temps après… Définitivement le poulet était une meilleure option envisageable s'il voulait être frais et dispo pour demain et s'éviter d'engloutir un litre de café pour être sûr d'être opérationnel.

Il posa son regard sur William, l'observait encore à la lueur des lampadaires… Lui par contre un peu de viande rouge ne lui ferait pas de mal. Il reprendrait au moins un peu de couleurs parce qu'il lui semblait bien pâle. Et une boisson bien chaude pour lui réchauffer le corps et l'esprit. Il y avait toujours quelque chose de réconfortant à siroter une boisson chaude. Sauf peut-être en été. Non en faite c'était même certain, ce n'était pas conseiller de boire chaud en été. Et pourquoi il était entrain de penser à tout ça ? Il n'était même pas nutritionniste ! Il n'avait même jamais rencontré quelqu'un qui exerçait cette profession. Sans doute parce que son esprit n'arrêtait jamais de cogiter, de vouloir trouver des solutions pour tout et n'importe quoi. Sans doute aussi parce qu'il ne voulait que le bien de son ami. Alors il jouait les papas poules sans le lui dire, mais sans doute que cela se voyait. Tant pis, Will méritait bien ça.
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